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En décembre 1830, des élèves de "Saint-Jacques" se révoltent contre leurs enseignants.
A cette occasion, des pétitions circulent et demandent le retour d'Auguste Bébian qui avait été renvoyé.
En effet, les élèves le considèrent comme leur meilleur enseignant. Mais cette demande ne sera jamais acceptée.
Yves Delaporte, ethnologue, s'est penché sur ces événements historiques.
En 1830 s’est déroulé un événement fondateur de l’histoire des Sourds : la révolte des élèves à l’Institution de Paris.
Cet événement n’a pas laissé de traces dans la mémoire sourde. L’abbé de l’Épée, Jean Massieu, Laurent Clerc, Ferdinand Berthier sont honorés comme ils le méritent. Il n’en va pas de même pour les courageux élèves qui ont osé, en 1830, braver la première offensive contre la langue des signes.
Nous présentons ici des documents qui font partie des archives du Musée. Ils proviennent d’un don très important fait par le Général Pinart, décédé en 2015. Rappelons, pour ceux qui l’ignoreraient encore, que Jehan Pinart était l’arrière-petit-fils de Théophile Denis, fondateur en 1890 du Musée universel des sourds-muets et ami de Ferdinand Berthier.
Théophile Denis (1829-1908)
Jehan Pinart (1919-2015)
28 juillet 1830
La révolution de juillet 1830 est la seconde révolution française,
après celle de 1789. Charles X, roi de France depuis 1824, est chassé
par une révolution populaire qui éclate à Paris durant les journées
des 27, 28 et 29 juillet, surnommées « Les Trois Glorieuses ».
Le peuple de Paris se bat sur des barricades au nom de la liberté.
Il porte au pouvoir un nouveau roi, Louis-Philippe, plus libéral que
son prédécesseur.
1er Novembre 1830
Berthier saisit l’occasion du changement de régime.
Le 1er novembre, une délégation de sourds-muets, dirigée par lui, se présente devant le nouveau roi avec un texte qui réclame
le retour d’Auguste Bébian à l’Institution royale des sourds-muets,
« Saint-Jacques », dirigée par l’abbé Borel.
Le roi Louis-Philippe
Auguste Bébian (1789-1839)
Roch-Ambroise Auguste Bébian sera au centre des événements de novembre et décembre 1830 que nous rapportons ici.
Quelques mots sur lui, antérieurement à 1830, sont donc indispensables.
Auguste Bébian naît en Guadeloupe. Après le divorce de ses parents, il est envoyé à Paris en 1802. Ayant pour parrain l’abbé Sicard, il fréquente l’Institut des sourds-muets.
Consterné par l’état lamentable qu’il y découvre au plan moral, au plan matériel comme à celui des méthodes d’éducation, il décide de s’y investir.
En 1817, il publie un Essai sur les sourds-muets et sur le langage naturel et devient répétiteur à Saint-Jacques.
Il ne cesse de se faire le défenseur des élèves contre un personnel paresseux et incompétent, contre les brutalités des surveillants et des domestiques.
Son caractère entier, sa franchise brutale ne favorisent pas ses relations avec les enseignants entendants. Lorsque la duchesse de Berry vient visiter Saint-Jacques, il s’excuse de ne pouvoir lui présenter ses élèves, tant ils sont mal vêtus par l’Institut.
En 1819, ses éminentes qualités de pédagogue le font promouvoir malgré tout au poste de censeur des études, poste équivalent à directeur adjoint, laissant espérer un avenir meilleur pour les élèves.
Il est un farouche adversaire de l’oralisme, « absurde, ridicule, tyrannique ». Il est tout autant adversaire des « signes méthodiques » hérités de l’abbé de l’Épée et de l’abbé Sicard, et qui pour les élèves ne sont qu’un charabia incompréhensible.
Pour Bébian, la seule langue qui peut permettre l’instruction dans tous les domaines, c’est la langue des signes qu’utilisent entre eux les élèves, et que Bébian parle parfaitement. C’est, écrira Berthier, « le seul ami parlant que les sourds-muets aient au monde ». En 1821, une rixe avec un professeur entendant sert de prétexte pour renvoyer Bébian de Saint-Jacques.
Le souvenir ébloui qu’ont de lui les élèves se transmet des aînés aux plus jeunes. Les élèves entrent à neuf ans, en sortent à quinze : en 1830, aucun sans doute n’a donc connu Bébian. Cette mémoire est pourtant encore vivace neuf années après le licenciement de Bébian en 1821.
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Voir ► Note 1 : Texte remis au roi par Ferdinand Berthier le 1er novembre 1830
Qui s’était rendu auprès du roi ? Berthier parle, sans davantage de précisions, de professeurs et d’artistes. Dans une lettre rageuse de Degérando, qui dirige le Conseil d’administration, il sera question de « deux sourds-muets, anciens élèves, maintenant professeurs dans l’institution royale des sourds-muets [il s’agit de Berthier et Lenoir], un troisième sourd-muet ancien élève aspirant et habitant encore l’institution [Jules Imbert], trois ou quatre sourds-muets anciens élèves aussi de l’institution, mais qui l’ont quittée ».
La requête de Berthier est accueillie avec bienveillance. Le roi dicte immédiatement sa réponse à son aide de camp. Mais lorsqu’on en tend le texte aux sourds-muets, c’est la déception : le texte est rédigé en caractères sténographiques, qu’aucun sourd-muet ne connaît. Le roi écrit alors de sa main quelques lignes pour assurer qu’on en enverra bientôt une version écrite en caractères alphabétiques.
Le 1er novembre, c’est le jour anniversaire de la victoire de Jemmapes. Un dîner est prévu chez le roi pour la commémorer, auquel sont invités les deux professeurs, Berthier et Lenoir. Lors du repas, le roi s’informe de ce qu’est devenu Laurent Clerc. Berthier est têtu : il en profite pour enfoncer le clou et discourir sur celui qui l’a « remplacé par ses talents », c’est-à-dire Bébian.
Le roi répond par une lettre très aimable et se montre tout à fait disposé au retour de Bébian : « Quant à la recommandation [que les sourds-muets] me font pour M. Bébian, j’y ferai une attention particulière ; je serai charmé de récompenser les soins qu’il a donnés aux sourds-muets ; les motifs d’exclusion qui viennent d’être énoncés n’existent plus aujourd’hui. »
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Voir ► Note 2 : Texte remis au roi par Ferdinand Berthier le 1er novembre 1830
Berthier ne s’arrête pas là : pour accroître ses chances du retour de Bébian, il fait de la publicité sur sa rencontre avec le roi. Dans le journal La Sentinelle du peuple, il publie avec Lenoir un article, « Les sourds-muets vont réclamer du roi Louis Philippe leur ci-devant instituteur Bébian ».
D'autres journaux ont rendu compte de la rencontre des sourds-muets et du roi. Au Conseil d’administration de Saint-Jacques, cela a dû être la consternation, voire l’affolement. Des sourds-muets ont osé braver la hiérarchie et, contournant l’administration, s’adresser directement au roi ! L’événement est maintenant public, glorifié dans la presse ! Cela ne s’était jamais vu.
Degérando écrit au ministre de l’Intérieur une lettre de protestation. Par prudence, tout y est au conditionnel : quelques sourds-muets se seraient présentés en s’annonçant comme députés des sourds-muets. Il paraîtrait que le roi a eu la bonté de les recevoir. Ils auraient remis au roi un mémoire qui renfermerait des vues relatives à l’organisation intérieure de l’institution royale. Si la chose est vraie, il serait convenable d’éclairer le roi, en lui faisant savoir que sa bonté a été trompée.
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Voir ►Note 3 : Lettre de Degérando au ministre de l’Intérieur
Joseph-Marie Degérando (1772-1842)
La réponse est immédiate, et cinglante : le ministre confirme que le roi s’est entretenu avec quelques anciens élèves de l’institution. Mais ils ne se sont pas présentés comme députés des sourds-muets, et leur mémoire ne contient aucune allégation à l’encontre de l’Institut. Bref, il dédouane entièrement Berthier et ses amis.
Mais, pour l’administration, il y a bien pire : le ministre profite de l’occasion pour désavouer l’Institut, faisant état de plaintes graves venant de pères d’élèves. C’est une litanie de griefs. L’enseignement est mal approprié aux besoins des classes indigentes, et insuffisant pour les autres. Dans les ateliers, ce n’est que paresse et dissipation. Pendant les heures de travaux manuels destinées aux pauvres, les enfants des classes aisées restent inactifs. L’étude du dessin et de la peinture, qui convient si bien aux sourds-muets, est négligée ou dirigée par des maîtres incompétents. Les répétiteurs sourds-muets sont placés dans les classes supérieures, alors qu’il seraient plus utiles dans les petites classes, « où les signes mimiques peuvent servir d’auxiliaires pour favoriser les premiers développements de l’intelligence ». Les élèves n’ont aucune notion d’histoire ni de géographie. Les parents ne reçoivent aucune information sur la santé, la conduite et les progrès de leurs élèves. Et ainsi de suite. En conclusion, l’éducation est dominée par un manque de plan et de méthode, chaque professeur étant ignorant de ce qui se pratique dans les autres classes. Dans un passage biffé (ce document est donc un brouillon), le ministre menace l’abbé Borel de démission.
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Voir ►Note 4 : Texte intégral de la réponse du ministre à Degérando
Dans un document interne à Saint-Jacques, Borel tente de se justifier auprès du Conseil d’administration : « Cette lettre contient des faits vrais, quelques-uns exagérés, d’autres enfin où l’on est complètement dans l’erreur. »
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Voir ►Note 5 : Tentative de justification de l’abbé Borel
Le 12 décembre 1830, les élèves entrent en scène avec une première pétition
La rencontre des sourds-muets avec le roi avait été un mauvais rêve pour l’administration. Mais c’est maintenant un cauchemar qui va commencer : ce ne sont plus seulement des professeurs sourds-muets qui font fi de la hiérarchie, ce sont maintenant les élèves eux-mêmes.
Ces élèves, que certains traitent de « chiens » ou de « singes », osent s’adresser directement au ministre de l’Intérieur. Sans doute ont-ils été inspirés par les événements du mois de juillet, lorsque qu’une révolte du peuple à mis fin au règne d’un roi despote.
Une lettre-pétition est rédigée, et datée du 12 décembre.
Tous les degrés de la hiérarchie sont attaqués : la direction, l’administration, les surveillants. Le directeur est nommément attaqué. Il n’a « presque guère de mérite et de talents ». Il ne sait pas instruire les élèves, ne connaît pas la langue des signes, est trop timoré pour se faire obéir des surveillants et des professeurs paresseux. Le vol est devenu une habitude. Malgré le règlement, des femmes vont et viennent. Le népotisme règne à tous les niveaux. La situation des sourdes-muettes est encore pire. A tous ces maux, il n’y a qu’un remède : le retour de Bébian. Lui seul, par son exemple, peut redonner du goût pour l’étude et régénérer l’Institution.
Il y a un post-scriptum, sur feuille séparée, qui révèle l’affolement de l’administration depuis la rencontre avec le roi, et la crainte que lui inspire Bébian : « Mr le Directeur et les professeurs parlants nous ont tourmentés. Ils viennent nous demander si nous avons écrit une pétition au Roi. Ils nous ont menacés de nous chasser, si nous ne l’avouions pas. Nous avons répondu que non. Ils nous ont demandé si nous aimons Mr Bébian. Nous avons répondu qu’oui. ¬— Pourquoi ? — Parce qu’il est fort instruit, et qu’il sait mieux que Mr le Directeur l’art de nous instruire. Maintenant nous haïssons Mr le Directeur et tous les professeurs parlants. »
61 élèves ont signé :
(Archives du musée d’Histoire et culture des Sourds)
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Voir ►Note 6 : Texte intégral de la pétition du 12 décembre
Saint-Jacques est en effervescence. Les élèves bravent la discipline, ils font circuler textes et dessins satiriques tels que ceux-ci (Archives INJS, reproduites par Yves Bernard dans sa thèse de 1999) :
Ci-dessus : libellé pour le retour d’Auguste Bébian.
Dessin "Homme-machine" représenté sous forme d’âne. Les professeurs entendants sont vus comme des machines qui veulent transformer leurs élèves en d’autres machines. Cette vision qui traverse l’histoire des sourds jusqu’aux récents implants cochléaires est partagée par Valade-Gabel, directeur de l’Institution de Bordeaux, à propos du français signé, « genre hybride et stérile » n’instruisant que des « automates traducteurs » (« automate : machine qui, par le moyen de dispositifs mécaniques […], est capable d'actes imitant ceux des corps animés » (Larousse). Ce mot sera au XXe siècle remplacé par robot.
Sur ce dessin, l’Institut est représenté comme un moulin à paroles. Le dessin est sous-titré « Machine », qui reprend le thème de l’« homme-machine ». Le principal personnage est commenté « homme la machine tourne ». Il s’agit du directeur Borel, bien reconnaissable par son rabat de prêtre. Son souffle fait tourner les ailes du moulin dont chacune caricature un professeur : Valade en volatile ; Rivière en taureau (cet animal serait-il en relation avec ce qui est allusivement évoqué dans la pétition du 12 novembre « Dieu sait si des élèves et des maîtres ont été sages avec les femmes qui ont été et sont ici » ?) ; Morel en âne ; l’absence de document iconographique montrant le peu connu professeur Richard empêche d’interpréter le menton hypertrophié du dessin (allusion aux pratiques oralistes qui font tordre les bouches et décrocher les mâchoires ?).
Le jeudi 16 décembre, Degérando écrit au ministre de l’Intérieur pour l’informer que des troubles viennent d’éclater dans l’institution. La cause en est attribuée à une pétition que les élèves auraient faite auprès du roi : paranoïa d’une administration aux abois, ou amalgame intentionnel avec la démarche des professeurs ? Degérando demande au ministre d’approuver les exclusions de Bézu, Contremoulin et Imbert.
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Voir ►Note 7 : Texte de la lettre de Degérando du 16 décembre au ministre
Le même jour, le conseil d’administration adresse une note confidentielle au ministre (vraisemblablement jointe à la lettre). Son écriture est celle de Degérando. Il s’agit de faire vite, avant que les choses ne s’enveniment davantage. Les peurs de l’administration sont claires : qu’à la faveur des désordres qui manifestent un état de choses déplorables connues du ministre et dénoncées par lui dans sa lettre du 16 novembre, on ne mette à exécution la promesse du roi : Bébian à la tête de l’Institut. Est donc transmis au ministre le dossier que l’administration gardait dans ses placards, et qui fait le procès de Bébian.
Ce texte fait partie d’une liasse de soixante pages concernant les conflits de Bébian avec l’administration, liasse qui figure dans les collections du musée mais n’a pas encore été entièrement inventoriée.
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Voir ►Note 8: Note additive du 16 décembre au ministre (PJ 8)
Aussitôt, H. Royer-Collard, qui a en charge les sourds-muets à la troisième division du ministère de l’Intérieur, établit pour son ministre une synthèse des deux documents du 16 décembre, la lettre et la note confidentielle. C’est un jugement de Salomon, qui accorde des points à chacune des deux parties. La version de l’administration est tout d’abord reprise, paraphrasée, et ses recommandations entérinées : il faut renvoyer les trois meneurs, et priver Bébian de tout espoir de réintégration à Saint-Jacques. Mais ceci étant fait, Royer-Collard passe à l’offensive contre l’administration : aucun établissement d’éducation n’est plus mal dirigé. Et cette fois ce sont les termes mêmes de la pétition des élèves qui sont paraphrasés. L’existence même de cette pétition est prise comme preuve de la réalité des abus et des désordres dont l’institut se rendent coupables. Royer-Collard propose donc la destitution immédiate de Borel, en même temps que l’exclusion des meneurs. Il reconnaît que « personne n’est plus capable que [Bébian] d’enseigner aux sourds-muets la vraie science qui leur est nécessaire » mais juge que ses actes passés (la rixe avec un professeur entendant) ont créé une situation de non-retour.
Dans sa lettre et sa note confidentielle au ministre, l’administration de Saint-Jacques parle de « désordre ». Dans son rapport au ministre, Royer-Collard, lui, parle avec plus d’exactitude d’ « insurrection »...
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Voir ►Note 9 : Synthèse de Royer-Collard pour le ministre de l’Intérieur (PJ 9)
Le 17 décembre, le baron Jean-Jacques Baude, secrétaire d’Etat au ministère de l’Intérieur, se rend sur place et rencontre des élèves.
Jean-Jacques Baude (1792-1862)
Pendant cette période, élèves et professeurs sourds-muets sont soumis à des interrogatoires serrés. L’administration semble craindre par-dessus tout que les élèves, suivant l’exemple de Berthier et Lenoir, aient adressé directement une pétition au roi. Bézu est accusé d’en être l’auteur.
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Voir ►Note 10 : Interrogatoire de Berthier à Saint-Jacques
Le 18 décembre, Berthier, Forestier et Lenoir contre-attaquent. Dans une longue lettre au ministre de l’Intérieur, ils justifient leur rencontre avec le roi : « Nous agissions non pas comme professeurs de l’institution, mais comme sourds-muets […] Les professeurs parlants humilient, ravalent en toute occasion les sourds-muets ; lorsque Bébian est entré dans l’Institution, les sourds-muets étaient traités comme des demi-brutes et exposés sans protection aux mauvais traitements et aux grossièretés des surveillants. Bébian « fit sentir à tous les employés qu’ils étaient là pour les élèves et non les élèves pour eux ».
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Voir ►Note 11 : Texte intégral de la lettre de Berthier, Forestier et Lenoir au ministre de l’Intérieur .
Le 20 décembre 1830, les élèves récidivent avec une nouvelle pétition
Le 20 décembre 1830, une seconde lettre collective des élèves au ministre de l’Intérieur est signée de 53 élèves : les élèves assurent qu’ils n’ont jamais envoyé de pétition au roi, dédouanent Bézu, et dénoncent les manœuvres et les pressions de l’administration pour leur faire avouer un crime imaginaire. Après leur rencontre avec Baude et les promesses qu’ils lui avaient faites, ils espéraient que Bézu ne serait pas exclu. Et ils réitèrent en vain, une dernière fois : « tous les sourds-muets désirent Monsieur Bébian ».
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Voir ►Note 12 : Seconde pétition des élèves, 20 décembre 1830
(Archives du Musée d'Histoire et de Culture des Sourds)
Un an plus tard, l’abbé Borel est destitué pour « insuffisance » par un arrêté du 15 novembre 1831. On a laissé passer un délai suffisant pour ne pas paraître avoir cédé aux mutins. Auguste Bébian ne reviendra jamais à Saint-Jacques : le jugement du roi en sa faveur se perdra dans les méandres de l’administration…
Parmi les élèves qui ont participé à la révolte en signant les pétitions, on découvre les noms de plusieurs futures personnalités qui ont laissé leur trace dans l’histoire des sourds au XIXe siècle. Cinq d’entre eux seront même cités élogieusement par le ministre de l’Intérieur en 1879, parmi lesquels Bézu, l’exclu de 1830, devenu entre temps un peintre aquarelliste renommé.
Portrait de Ferdinand Berthier par Octave Bézu.
Ackerman et Ryan seront professeurs à Nancy. Eugène Allibert sera professeur à Saint-Jacques (lien notice Allibert). Jules Imbert, l’autre exclu de 1830, jouera un rôle important dans l’histoire associative (lien notice Imbert). C’est dans les journées de décembre 1830 qu’il avait forgé ses premières armes.
Un siècle et demi avant les événements de Gallaudet en 1988, cela avait été le début de la construction d’une identité sourde. Pour la première fois, les sourds s’étaient organisés en tant qu’ensemble collectif. Pendant les journées de 1830, la solidarité entre professeurs et élèves sourds l’avait emporté sur la hiérarchie entre professeurs et élèves. Après décembre 1830, plus rien ne sera comme avant.
Berthier tirera les leçons des événements de 1830 : à l’intérieur de Saint-Jacques, les enseignants sourds s’épuisent dans une lutte inégale contre l’administration. Minoritaires, leur combat est perdu d’avance, comme l’a prouvé la mutinerie de 1830.
A l’intérieur des institutions, les sourds sont en position d’infériorité. Dans les luttes qu’ils mènent, ils sont toujours perdants.
Ils doivent donc s’organiser de manière autonome à l’extérieur des institutions, et s’appuyer sur l’ensemble de la société.
En 1834, Berthier prendra une décision immense dans l’histoire des sourds : il fonde la tradition des banquets sourds.
Le but des banquets n’est pas seulement de réunir les élites sourdes. C’est aussi de s’appuyer sur la société civile en construisant un réseau de relations avec des entendants influents dans la presse, l’administration, la politique.
La date choisie est celle de l’anniversaire de l’abbé de L’Épée. C’est un sincère hommage au « libérateur des sourds-muets » ; mais c’est aussi une habile stratégie. Le célèbre abbé est un entendant, unanimement glorifié dans les deux mondes. Le fait même qu’on lui attribue faussement l’invention de la langue des signes peut tourner à l’avantage des sourds-muets. Comment contester leurs droits quand ils se réclament de sa haute autorité ?
Les journalistes invités aux banquets témoignent élogieusement de ce qu’ils ont vu, dans Le Moniteur, Le Journal des Débats, Le National, Le Temps, Le Courrier Français, Le Constitutionnel, Le Droit, La Quotidienne. Grâce à ces appuis, les sourds confortent leur position sur la scène publique. C’est dans les colonnes de ces journaux que Berthier bataillera pour que soient reconnus leurs droits civiques. En 1838, l’étape suivante sera la création de la Société centrale des sourds-muets, la première au monde.
Une conséquence essentielle de cette série d’événements, au cours desquels apparaît la notion de « fierté sourde », est le premier mariage entre sourds-muets à Paris, en 1844. En quelques années, ces mariages deviendront la norme. Ils permettront l’apparition de ces lignées sourdes qui sont au cœur de la constitution et de la transmission de la culture et de l’identité sourdes.
Quand des sourds-muets chantaient l’Internationale en langue des signes...
Les sourds sont immergés, dispersés et invisibles. Sauf dans les grands internats. C’est donc le seul lieu où peuvent se produire des mouvements organisés de révolte. Il y en eut d’autres qu’en 1830.
Jean-Pierre Bouillon mentionne deux révoltes à Saint-Jacques, en 1869 et 1872.
En 1873, une révolte (serait-ce celle que Bouillon date de 1872 ?) de cinquante élèves entraîne le renvoi de dix-sept mutins et conduit l’administration à envisager la construction de cellules pour séquestrer les principaux meneurs. Yves Bernard parle d’état insurrectionnel.
Visitant en 1906 une école de province, un inspecteur est accueilli par l’ensemble des élèves qui signent longuement au même rythme. Ebahi, l’inspecteur demande qu’on lui traduise cette bizarre gestualité, et on doit lui avouer que c’est l’Internationale, chantée en signes ! Ce qui suggère l’existence de liens avec des ouvriers sourds adultes, et l’insertion de ces derniers dans le mouvement social.
L’absence d’autres révoltes pendant le siècle d’interdiction des signes s’explique aisément par la chape de plomb qui s’est abattue sur les élèves ; et, s’il est possible qu’il s’en soit produit, aucun écho n’en est parvenu dans la presse, tant il aura pu paraître inconcevable que de petits sourds-muets, choyés dans des institutions qui se dévouaient pour leur bien, s’en montrent si indignes.
Depuis l’époque du Réveil Sourd (années 1980), plusieurs mouvements de grève sauvage ont été déclenchés dans différentes écoles, les élèves refusant de suivre plus longtemps des cours donnés en français oral : sans qu’ils le sachent, leurs motivation étaient les mêmes que celles de leur comparses de 1830. Cela s’est vu dans la dernière décennie du XXe siècle à Asnières, à l’école Casanova d’Argenteuil en 1990, à Chambéry en 1995. Il y en eut certainement d’autres.
Le MHCS remercie Yves Delaporte, ethnologue, qui a rédigé ce texte et fourni les illustrations.
Reproduction interdite.
N o t e s
Lundi 1er novembre 1830
Adresse portée au roi par un groupe de sourds-muets conduit par Berthier :
« Sire,
S’il ne nous est pas donné de mêler nos voix aux chants de triomphe qui célèbrent la régénération de la France, nos cœurs y répondent avec ivresse ; nos cœurs ont bondi d’enthousiasme au réveil de la liberté et à l’avènement d’un roi-citoyen proclamé par les vœux de tout un peuple qu’il a préservé de l’anarchie. Nous brûlions, Sire, de faire éclater nos transports aux yeux de Votre Majesté, et de déposer au pied du trône le tribut de notre respect et de notre amour. Vous avez daigné, Sire, agréer nos hommages silencieux, et votre accueil nous fait oublier notre infirmité.
Quand l’abbé de l’Epée, persécuté pour ses opinions religieuses, se vit obligé de créer un art nouveau pour offrir un aliment à son amour du bien, son école, que les savants et les souverains étrangers s’empressaient de visiter, n’eut en France qu’un seul protecteur, votre digne aïeul le duc de Penthièvre. Les sourds-muets espèrent trouver dans l’héritier des vertus de ce prince la même compassion pour leur malheur, la même bienveillance pour les hommes qui se vouent à leur éducation. Parmi ceux-là il en est un, le plus distingué de tous, qui a reculé les bornes de cet art de bienfaisance dans lequel il n’a point d’égal. Ses ouvrages, devenus classiques, servent de guide aux instituteurs de France et même de l’étranger. Nous osons, Sire, appeler sur lui les regards de Votre Majesté. Votre bonté excite notre confiance, et notre gratitude nous fait un devoir de l’implorer. C’est à ses leçons que nous devons de pouvoir exprimer à Votre Majesté ce que nous sentons. M. Bébian a dirigé les études de notre institution pendant plusieurs années, sous l’abbé Sicard, en qualité de censeur des études. C’est sa méthode que nous suivons pour instruire nos frères d’infortune. Il n’a cessé depuis quinze ans de consacrer ses talents et sa modique fortune à cet enseignement difficile. Ses travaux, honorés des plus flatteurs suffrages, n’ont jamais obtenu du pouvoir le plus léger encouragement... »
Lundi 1er novembre 1830
Réponse du roi Louis-Philippe à Ferdinand Berthier :
« Je suis assez vieux pour me rappeler non seulement l’abbé Sicard que j’ai vu depuis la restauration, mais aussi l’abbé de l’Epée que j’ai vu donner des leçons à ses élèves sourds-muets dans le petit jardin du Palais-Royal ; j’étais bien jeune alors, je n’avais que quatre à cinq ans. Depuis j’ai toujours été frappé de l’immense avantage qu’il y avait à faire rentrer dans la société des êtres qui méritent un si grand intérêt, et à les indemniser des deux facultés précieuses qui leur manquent et dont un usage de tous les jours ne nous fait que trop sentir combien il est affligeant pour eux de n’en avoir pas l’exercice. On a suppléé à cet exercice par des signes que je leur vois faire entre eux pour tâcher de deviner par mes gestes, par le mouvement de mes lèvres, ce que je leur dis. Ce que j’ai à leur dire, c’est que je me réjouis de ce que actuellement ils sont rendus à la société, de ce qu’ils sont en état de jouir de tous ses avantages, de connaître leurs droits, de comprendre les lois, de savoir s’y conformer, de pouvoir exercer toutes les facultés morales et intellectuelles de l’esprit humain.
Je tâcherai de multiplier partout, autant qu’il dépendra de moi, les institutions des sourds-muets.
Quant à la recommandation qu’ils me font pour M. Bébian, j’y ferai une attention particulière ; je serai charmé de récompenser les soins qu’il a donnés aux sourds-muets ; les motifs d’exclusion qui viennent d’être énoncés n’existent plus aujourd’hui. Je ne doute pas que M. Bébian n’ait fait des sourds-muets de bons patriotes, des hommes utiles à leur patrie, qui puissent vivre au sein de leurs familles comme les autres hommes et remplir les mêmes devoirs. J’aime à m’associer au désir manifesté par chacun d’eux, et à saisir cette occasion pour leur exprimer l’intérêt qu’ils m’inspirent et combien j’ai de plaisir à les voir. Ma famille les voit aussi avec beaucoup d’intérêt ; elle a suivi les exercices de l’abbé Sicard, ceux de Massieu, de Clerc et de leurs élèves ; nous désirons en apprendre des nouvelles. Nous sommes charmés qu’ils soient remplacés par vous, mes amis, dont le zèle et l’intelligence décuplent les facultés. »
Texte publié par Ferdinand Berthier, Notice sur la vie et les ouvrages d’Auguste Bébian.
16 novembre 1830
Lettre de Degérando au comte de Montalivet, ministre de l’Intérieur
Monsieur le Ministre,
Deux sourds-muets, anciens élèves, maintenant professeurs dans l’institution royale des sourds-muets, un troisième sourd-muet ancien élève aspirant et habitant encore l’institution, trois ou quatre sourds-muets anciens élèves aussi de l’institution, mais qui l’ont quittée, se sont présentés, dit-on, au Roi, en s’annonçant comme députés des sourds-muets.
Il paraîtrait que le Roi a eu la bonté de les recevoir ; divers journaux ont rendu compte d’un mémoire qu’ils auraient remis au Roi, et qui renfermerait des assertions ou des vues relatives à l’organisation intérieure de l’institution royale.
Il est de notre devoir de vous faire connaître que les sourds-muets, qui se sont permis cette démarche, n’avaient reçu à cet égard aucune mission, qu’ils n’en ont prévenu aucun des chefs de l’institution, qu’ils n’avaient aucune donnée des faits, sur lesquels ils paraissent avoir prétendu appeler l’attention du Roi, et que les documents relatifs à ces faits leur sont inconnus, comme les circonstances qui les ont accompagnés.
L’administration croirait même devoir démentir expressément celles de ces allégations qui ont été citées. Vous penserez sans doute convenable, dans votre sagesse, d’éclairer le Roi, en lui faisant connaître que Sa bonté a été trompée, soit relativement à la qualité de députés qu’auraient prise les sourds-muets dont il s’agit, soit relativement aux assertions dont, on assure, qu’ils se sont rendus les organes, si toutefois les journaux en ont rendu un compte fidèle.
Nous avons l’honneur d’être avec une haute considération, Monsieur le Ministre, vos très humbles et très obligeants serviteurs.
Le Président de l’administration, Degérando.
(Archives du Musée d’Histoire et Culture des Sourds)
16 novembre 1830
Réponse du ministre aux administrateurs de l’Institution royale des sourds-muets
Messieurs, j’ai reçu la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire au sujet d’un mémoire que vous supposez avoir été remis au Roi par
quelques sourds-muets.
S. M. [Sa Majesté] a en effet accueilli avec sa bonté ordinaire quelques anciens élèves de l’Institution. Elle a daigné s’entretenir avec eux, leur témoigner un vif intérêt pour le sort des sourds-muets, et me renvoyer deux adresses qu’Elle avait bien voulu recevoir de leurs mains. Mais les signataires de ces adresses n’ont point pris le titre de députés des sourds-muets. Les adresses elles-mêmes ne contiennent aucune allégation concernant l’établissement dont l’administration vous est confiée. Je n’ai donc rien à démentir à cet égard, car je ne dois connaître que les pièces qui m’ont été officiellement transmises par ordre de S.M., et ne je suis point juge de l’exactitude des détails donnés par quelques journaux sur la circonstance qui est l’objet de votre lettre.
Je ne puis toutefois me dispenser de vous faire connaître, à cette occasion, qu’il m’est parvenu, de différents côtés, des plaintes graves sur l’état de l’Institution dont la surveillance vous est confiée. Si ces plaintes m’avaient paru dictées par la passion ou par l’intérêt privé, je les aurais méprisées ; mais elles m’ont été adressées par des personnes entre lesquelles je ne puis supposer aucun concert ; elles ont été appuyées par des pères de famille qui ne peuvent avoir d’autre intérêt que celui de leurs enfants, d’autre désir que de voir régner dans l’Etablissement où ils ont (illisible) ce qu’elles ont de plus cher, l’ordre et les bonnes études. Mon devoir, comme Ministre, est de m’assurer si ces plaintes sont fondées, et de prendre toutes les mesures nécessaires pour y faire droit.
On se plaint d’abord de l’état de l’instruction ; on dit que l’enseignement est mal approprié aux besoins des classes indigentes, insuffisant et incomplet pour les autres ; que les enfants pauvres, admis trop jeunes et trop ignorants dans les ateliers, y contractent l’habitude de la paresse et de la dissipation ; que les enfants qui appartiennent à des familles aisées n’ont aucun moyen d’utiliser les heures que leurs camarades consacrent aux travaux manuels, que l’étude du dessin ou la peinture, qui convient si bien aux sourds-muets, est négligée ou dirigée par des maîtres inhabiles ; que les élèves ne font aucun progrès.
On se plaint de ce que les répétiteurs sourds-muets sont employés dans les classes supérieures, où il est nécessaire d’habituer les élèves à abandonner le langage d’action, et à rendre toutes leurs idées par écrit afin de communiquer plus facilement avec les autres hommes, tandis que les mêmes répétiteurs seraient très utilement placés dans les classes inférieures, où les signes mimiques peuvent servir d’auxiliaires pour favoriser les premiers développements de l’intelligence ; on voudrait que les élèves reçussent quelques notions générales d’histoire et de géographie ; que leur émulation fut excitée par des concours ; qu’à l’exemple de ce qui se pratique dans les collèges, on délivrât aux parents, qui en feraient la demande, des bulletins de la santé, de la conduite, des progrès de leurs enfants. La somme de 3000F affectée à la classe d’articulation ne paraît pas avoir reçu cette destination ; on m’assure que le professeur qui avait été chargé de cette partie de l’enseignement en est détourné par d’autres travaux, et n’a point conservé ses élèves assez longtemps pour qu’ils pussent faire des progrès sensibles.
Enfin un vice général paraît dominer dans la direction des études : c’est l’absence de plan et de méthode ; en sorte qu’un professeur ignore souvent à quel degré d’instruction est parvenu l’élève qui passe entre ses mains ; de-là des tâtonnements et une perte de temps considérable. Je crois savoir qu’on avait proposé un moyen qui aurait pu remédier jusqu’à un certain point à cet inconvénient : c’était d’établir entre les professeurs un mode de rotation tel que chacun suivît ses élèves depuis les éléments jusqu’à la fin du cours d’instruction. Ce mode adapté pour quelques cours à l’Ecole Polytechnique, aurait peut-être des avantages particuliers dans un établissement où chaque professeur paraît avoir une méthode ou des procédés qui lui sont propres.
Si j’en crois des témoins désintéressés, les soins de propreté, si importants pour la santé des élèves, sont fort négligés dans l’Institution. Les enfants ont souvent leurs vêtements en lambeaux, les cheveux en désordre, etc. On n’a point su ménager dans les bâtiments de l’Institution une vaste salle de récréation, et il paraît que les élèves, disséminés dans les cours, dans les corridors, etc., parviennent quelquefois à s’échapper par la porte du jardin.
Des faits si graves sont assurément de nature à exciter toute la sollicitude des familles, et à faire perdre à l’Institution des sourds-muets le rang élevé qu’elle a longtemps occupé dans l’opinion publique. En admettant même qu’ils soient fort exagérés, je crois y démêler de tristes vérités qui n’ont pas sans doute échappé à votre attention ; mais en voyant le mal, vous aurez peut-être vainement cherché le remède. L’insuffisance de vos ressources ne vous a point permis d’assurer aux professeurs un sort qui pût les attacher à leurs fonctions, de les engager à s’y consacrer entièrement, à y apporter ce zèle et cette persévérance qui peuvent seuls produire des fruits durables.
[Mais il faut le dire, la principale cause de l’état où se trouve aujourd’hui l’Institution, me paraît être le défaut d’une direction forte et éclairée ; à Dieu ne plaise que je conteste les bonnes intentions et les qualités estimables de l’Administration qui est maintenant chargée de cet emploi ; mais cet ecclésiastique, d’après les renseignements qui m’ont été donnés, était, lorsqu’il est entré à l’Institution, complètement étranger à l’art d’instruire les sourds-muets. Cet art, l’a-t-il appris depuis qu’il est dans l’établissement ? a-t-il du moins montré le degré de sagacité et de connaissances nécessaires pour former ou suivre un plan, pour imprimer à toutes les parties de l’enseignement une impulsion vigoureuse. Voilà, Messieurs, les questions que je me vois forcé à vous adresser ; vous avez vu assez que je serais porté à les résoudre par la négative ; mais je serais heureux de m’être trompé et d’apprendre que M. l’abbé Borel a justifié en tous points la confiance de l’administration.
Si, toutefois, il en était autrement, vous savez aussi bien que moi quel parti il faudrait prendre pour arrêter l’Institution sur le penchant de sa ruine : les considérations personnelles ne sont plus de saison lorsqu’il s’agit d’un établissement public. Vous auriez donc à examiner si M. Borel ne devrait pas être remplacé. Je sais combien il est difficile de trouver des personnes qui réunissent toutes les conditions requises pour bien remplir de semblables fonctions ; mais la chose n’est peut-être pas impossible, surtout depuis que les raisons qui limitaient singulièrement la liberté de choix ont cessé d’exister.]
Quoi qu’il en soit, je désire que vous m’adressiez le plus promptement possible, un compte rendu moral de la situation de l’établissement ; je désire aussi avoir connaissance des rapports et des observations que le conseil de perfectionnement a dû vous soumettre depuis qu’il est institué.
Agréez, Messieurs, l’assurance de ma considération la plus distinguée.
Le Ministre Secrétaire d’Etat au Département de l’Intérieur.
(Les passages rayés montrent qu’il s’agit d’un brouillon)
(Archives du Musée d’Histoire et Culture des Sourds)
9 décembre 1830
Commentaires de l’abbé Borel, directeur de Saint-Jacques, sur la lettre du ministre du 16 novembre. Ces commentaires sont internes à Saint-Jacques, et destinés au Conseil d’Administration.
J’ai lu attentivement la lettre de M. le Ministre, sur laquelle je suis appelé à faire des observations. Mes observations ne porteront que sur l’ordre et l’enseignement. Je laisse à M. l’agent général à s’expliquer sur les articles concernant l’habillement, la propreté etc. etc. Cette lettre contient des faits vrais, quelques-uns exagérés, d’autres enfin où l’on est complètement dans l’erreur.
D’abord, je dirai, en général, d’après le témoignage de personnes graves, que jamais il n’avait régné autant d’ordre dans l’établissement, que jamais les classes n’avaient été aussi bien réglées, que jamais les élèves n’avaient été répartis avec plus de soin, d’après leurs progrès et leurs capacités, que maintenant. Je viens aux détails.
On dit que l’enseignement est mal approprié aux besoins des classes indigentes. Ce reproche n’est pas mérité : le but de l’institution, c’est en France, l’intelligence complète et l’usage familier de la langue française vulgaire. C’est vers ce but aussi que tendent tous les efforts des maîtres, et je puis assurer que, si on ne l’atteint pas toujours, on se/le trouve […] de plus près qu’on ne l’eût jamais fait.
Les enfants pauvres sont admis trop jeunes et trop ignorants dans les ateliers.
Sur ma proposition d’administration […] que la première année d’instruction, aucun élève ne serait placé dans les ateliers ; que, dans tous les cas, les élèves n’y seraient jamais admis avant l’âge de douze ans. Ce règlement est exactement observé ; il n’y a été dérogé momentanément qu’en faveur de l’atelier des tourneurs en cuivre.
On se plaint de ce que les répétiteurs sourds-muets sont employés dans les classes supérieures. Ceci est exactement vrai. Le Directeur actuel a trouvé les choses établies ainsi. Il ne dépend pas de lui de les changer de classe. Tout ce qu’il a pu faire a été de leur donner la seconde Division de la classe où ils sont et de les subordonner, autant que possible, au professeur parlant chargé de la première Division. Mais il sait parfaitement que leur place n’est pas là. Dans les classes supérieures le langage des signes doit s’effacer et faire place au langage écrit. Dans les classes inférieures au contraire il est la base de la méthode raisonnée d’enseignement des sourds-muets. […].
(Archives du Musée d’Histoire et Culture des Sourds)
Dimanche 12 décembre 1830 : première lettre-pétition des élèves au ministre de l’Intérieur.
Monsieur le Ministre,
Nous avons l’honneur de vous prier humblement de daigner écouter nos plaintes. Nous ne sommes pas encore assez instruits pour vous écrire correctement ; nous osons réclamer votre extrême indulgence et votre attention bienveillante.
On nous dit que vous êtes bon et juste, que vous voulez le bonheur de la patrie ; ainsi nous osons vous supplier, Monsieur le Ministre, de ne pas rejeter nos justes plaintes.
Nous nous plaignons de notre administration, de notre direction et de nos surveillants. Mr l’abbé Borel, notre Directeur n’a presque guère de mérite et de talents. Il ne sait point l’art de nous instruire et il n’entend pas aussi parfaitement le langage de nos gestes. Il a obtenu sa place par la protection de Mr le Comte de Breteuil, un de nos administrateurs dont il a élevé les neveux. Il est trop timide pour forcer les surveillants qui sont fort paresseux de remplir leurs devoirs. Le peu de zèle qu’ils ont à nous surveiller occasionne beaucoup de désordres et d’abus. Le règlement n’est presque guère exécuté par eux. Souvent ils commandent selon leurs caprices. Même ils ne veulent pas se donner la peine de nous surveiller seuls, ils chargent presque toujours deux ou trois des plus grands d’entre nous de surveiller nos camarades. Comme on nous surveille avec trop peu de zèle, les vices les plus honteux s’introduisent parmi nous. Le vol est devenu habituel dans notre école depuis longtemps !... Nous savons qu’il est défendu d’admettre une femme dans les collèges. Pourtant il y en a plus de dix dans notre école. Nous ne pouvons comprendre comment on peut permettre qu’une jolie demoiselle et sa mère demeurent ici avec son père, un de nos surveillants. On leur a donné une grande chambre qui a plusieurs appartements. A chaque heure nous les voyons descendre et monter. Même elles viennent quelquefois dans nos classes. On dirait que notre maison est une pension de bourgeois et de bourgeoises. Dieu sait si des élèves et des maîtres ont été sages avec les femmes qui ont été et sont ici.
Monsieur le Ministre, nous désirons de tout notre cœur que notre ancien instituteur Bébian remplace notre Directeur actuel incapable d’occuper une place difficile de Directeur. Celui-là a beaucoup de mérite et de talents. Personne n’entend mieux que lui la méthode de nous instruire. Si Mr Bébian était notre Directeur, notre avenir serait aussi heureux que celui de cette maison sera brillant ! Nous oublierions notre infirmité dont nous nous plaignons toujours. Sa présence ferait disparaître un grand nombre d’abus qui se glissent toujours ici et qu’il serait long de signaler.
Pendant qu’il était censeur des études, il a su nous inspirer le goût de l’étude, ses anciens élèves sont plus instruits que nous. Lorsqu’il a cessé ses fonctions, cela a causé une grande consternation dans notre école. Après son départ les progrès dans les études se sont fort ralentis. Chacun de nos maîtres invente une méthode à son gré, et ils ne nous montrent que ce qui est inutile. Mr l’abbé Borel n’est pas sévère envers nos professeurs qui négligent leurs devoirs. Les uns causent avec les autres dans nos classes, souvent ils ne font pas la classe pendant plusieurs jours, un d’eux ne fait pas la classe depuis deux années, et il charge toujours le plus instruit de ses élèves de leur répéter ses leçons. Ce professeur ne s’occupe que d’apprendre le droit. Il nous traite comme des chiens. Nos maîtres sont si paresseux à nous surveiller que nous avons déjà commencé à contracter le goût de la paresse. Il nous est impossible de travailler avec ardeur sans leur secours. En un mot notre institution est mal organisée, on n’y obtient des places que par la parenté. Un de nos administrateurs a un neveu professeur et une nièce institutrice des sourds-muets, un professeur a un frère aspirant, un surveillant a un fils aspirant, un autre surveillant a une femme et une fille, maîtresse d’écriture, Mr l’agent a une sœur, Mlle l’économe a deux sœurs l’une institutrice et l’autre reçue comme invalide, enfin notre Directeur a une jeune ami et compatriote aumônier-aspirant.
Monsieur le Ministre, nous croyons devoir vous faire remarquer que nous nous en sommes souvent plaints à Mr le Directeur et à l’administration. Ils ne veulent pas nous croire ; ils croient toujours plutôt nos maîtres que nous qui ne disons que la vérité.
Nous sommes 120 élèves environ, il n’y en a que quatre qui savent écrire assez correctement. Nos surveillants sont trop vieux pour apprendre le langage de nos gestes ; ils ne nous comprennent pas. Nous voulons des jeunes hommes pour les maîtres d’école ; parce que nous en avons grand besoin.
Les demoiselles sourdes-muettes sont encore plus malheureuses que nous, et elles n’apprennent rien, elles bavardent toujours. Leurs maîtresses les négligent et elles et nous sommes toujours chagrin que nous sommes malheureux et peu instruits.
Nous mettons notre confiance en votre justice et en votre zèle patriotique. Nous osons espérer que vous aurez l’extrême bonté d’excuser notre naïveté et notre indiscrétion.
Nous avons l’honneur d’être avec un profond respect, Monsieur le Ministre, vos très humbles et très obéissants serviteurs.
P.S. (sur feuille séparée)
Nous oublions de vous dire que nous avons un grand dortoir et un autre petit. Il n’y a qu’un surveillant et un veilleur qui couchent dans le grand dortoir qui contient plus de 70 élèves. Un autre surveillant ne couche pas dans le petit dortoir qui contient 30 élèves environ. Il couche avec sa femme et sa fille. Les surveillants ne mangent pas avec nous, mais avec les professeurs qui déjeunent à 9 heures et dînent à 5 heures du soir. Ainsi à ces heures les surveillants nous laissent seuls dans les classes.
Mr le Directeur et les professeurs parlants nous ont tourmentés. Ils viennent de nous demander si nous avons écrit une pétition au Roi. Ils nous ont menacés de nous chasser, si nous ne l’avouions pas. Nous avons répondu que non. Ils nous ont demandé si nous aimons Mr Bébian. Nous avons répondu qu’oui. – Pourquoi ? – parce qu’il est fort instruit, et qu’il sait mieux que Mr le Directeur l’art de nous instruire. Maintenant nous haïssons Mr le Directeur et tous les professeurs parlants.
(Archives du Musée d’Histoire et Culture des Sourds)
16 décembre 1830
Lettre de Degérando au ministre de l’Intérieur
Monsieur le ministre,
A la suite de démarches trop répréhensibles que quelques-uns de nos élèves se sont permises en présentant au Roi des vues relatives à l’organisation intérieure de l’institution royale, d’assez graves désordres ont éclaté dans cet établissement : une profonde inintelligence s’est établie entre les professeurs parlants et les professeurs sourds-muets ; les élèves se sont associés à ceux-ci, et quelques-uns d’entre eux se sont portés aux actes les plus condamnables.
Après avoir exercé la plus scrupuleuse attention sur ce fâcheux état de choses ; après avoir inutilement cherché par tous les moyens que la prudence pouvait suggérer à calmer l’irritation des esprits, l’administration s’est vue forcée à recourir aux mesures de sévérité ; en conséquence elle a prononcé le renvoi de deux élèves pensionnaires, les sieurs Contremoulin et Bézu, et elle vous prie de l’autoriser à infliger la même peine au sieur Imbert, élève à 3/4 de bourse qui est depuis 8 ans dans l’institution, et dont l’éducation est entièrement terminée. Il a manqué de la manière la plus grave à ses professeurs et son exemple est pour la plupart des autres élèves une cause d’insubordination.
Nous espérons que cet acte de sévérité suffira pour nous dispenser de recourir de nouveau à votre autorité, et que ceux qui ont commis de moindres fautes, ou qui méritent plus d’indulgence, reconnaissant leurs torts rentreront dans l’ordre et s’attacheront de nouveau à leurs devoirs.
Agréez, Monsieur le Ministre, l’assurance de notre haute considération.
(Archives du musée d’Histoire et culture des Sourds)
16 décembre 1830
Note confidentielle du Conseil d’administration au ministre de l’intérieur
Monsieur le Ministre,
A en juger par des faits que se renouvellent chaque jour sous nos yeux, nous ne pouvons attribuer les désordres qui ont éclaté dans l’institution royale et que nous vous avons fait connaître par une première lettre, qu’à l’influence que Mr Bébian exerce encore sur quelques-uns de nos anciens élèves depuis l’époque où il était un de leurs répétiteurs, et aux insinuations qu’il répand parmi eux contre les professeurs et les chefs de l’institution.
Il est peu probable qu’il s’abstienne de toute démarche vis-à-vis de vous, dans la vue de rentrer au moins dans la place qu’il occupait.
Il est donc de notre devoir de vous rappeler les faits qui nous ont obligé de lui demander sa démission, et de vous donner par là le moyen d’apprécier jusqu’à quel point il peut vous convenir d’avoir égard à ses sollicitations, ou à celles qui vous sont adressées en sa faveur.
Ces faits sont contenus dans les pièces ci-jointes ; vous y verrez à quel acte de violence Mr Bébian a pu se livrer, combien il était indispensable de l’éloigner […]
(Archives du musée d’Histoire et Culture des Sourds)
Document de synthèse établi par H. Royer-Collard, chef de la 3e division du ministère de l’Intérieur, qui a en charge les sourds-muets, à l’intention du ministre de l’Intérieur.
Monsieur le Ministre,
Des désordres graves, et que votre lettre d’avant-hier ne faisait que trop prévoir, viennent d’éclater tout à coup dans l’institution royale des sourds-muets. Une profonde mésintelligence s’est établie entre les professeurs parlants et les professeurs sourds-muets ; les élèves se sont associés à ces derniers, et une insurrection générale en a été la suite.
Cette nouvelle vient de m’être communiquée par M. le Baron de Gérando, président du conseil d’administration. Le conseil a cherché d’abord à calmer l’irritation des esprits par tous les moyens que la prudence pouvait lui suggérer ; enfin il s’est vu réduire à user de sévérité. En conséquence, il a prononcé le renvoi des deux élèves pensionnaires, Contremoulin et Bézu. Le sieur Imbert, élève à trois quarts de bourse, qui est depuis huit ans dans l’institution, et dont l’éducation est entièrement terminée, s’est montré au premier rang parmi les chefs de la révolte, et le Conseil, désirant lui infliger la même peine qu’à ses deux camarades, vous demande, Monsieur le Ministre, l’autorisation de le renvoyer de l’institution.
Du reste, l’ordre n’est pas encore rétabli ; tous les cours sont suspendus, et il est urgent de faire cesser un état de choses si funeste.
Le Conseil d’administration, dans une note confidentielle qui m’a été transmise par M. de Gérando, attribue ces événements à l’influence qu’exerce encore Bébian sur quelques-uns de ses anciens élèves, aux insinuations qu’il ne cesse de répandre parmi eux, contre les professeurs et les chefs de l’institution. En effet, le nom de M. Bébian sert aux élèves de mot de ralliement dans toutes leurs tentatives de révolte, et ils demandent obstinément sa réintégration dans l’établissement.
D'après tous ces motifs, le Conseil d’administration vous prie, Monsieur le ministre :
1) D'approuver le renvoi des élèves Contremoulin et Bézu.
2) D'infliger la même peine au sieur Imbert, élève boursier.
3) D'ôter tout espoir de succès à M. Bébian, en lui déclarant positivement qu’aucune considération ne saurait vous engager à le rétablir dans l’institution (deux mots illisibles), le Conseil vous envoie, Monsieur le Ministre, afin de vous décider à prendre ce parti, une collection de pièces, contenant l’exposé des motifs pour lesquels M. Bébian a été forcé, jadis de donner lui-même sa démission. Le Conseil ne doute pas que les mêmes motifs n’aient conservé aujourd’hui toute leur gravité.
4) De donner au Conseil d’administration tous les pouvoirs dont il croirait avoir besoin pour rétablir l’ordre dans l’institution.
Tel est le résumé, Monsieur le Ministre, des faits qui ont été exposés et des réclamations qui ont été faites par le Conseil d’administration des Sourds-muets.
Vous sentirez qu’il n’y a pas de temps à perdre, et qu’il est indispensable d’arrêter sur le champ les mesures que doit prendre l’autorité.
Avant tout, je dois vous déclarer qu’aucun établissement d’éducation n’est plus mal dirigé depuis quelques années, que l’institution Royale des Sourds-Muets. Des plaintes nombreuses sont arrivées à plusieurs reprises, dans nos bureaux, et déjà, je me suis cru obligé de présenter hier à votre signature, une longue lettre dans laquelle nous avons demandé compte au Conseil d’administration, des reproches adressés à l’institution. Hier au soir, une pétition signée de plus de quarante élèves, m’a été remise, dans laquelle les abus les plus graves et les désordres les plus criants étaient dénoncés à votre sollicitude.
Toutes les fois que de pareilles scènes éclatent dans une institution, le directeur est nécessairement coupable. Aux Sourds-muets, plus que partout ailleurs, cette vérité est hors de doute. Administrateurs, maîtres, élèves, tous sont d’accord, tous accusent hautement l’incapacité profonde de M. l’abbé Borel, nommé à la direction des Sourds-Muets par suite de ses rapports d’amitié avec M. le Baron de Breteuil, à une époque où cette place n’était donnée qu’à des ecclésiastiques. Mr l’abbé Borel, estimable d’ailleurs par ses vertus domestiques et par ses excellentes intentions, était complètement étranger à l’éducation des Sourds-Muets. Aussi n’a-t-il jamais pu paraître dans les classes, ni prendre la moindre part à la direction des études. Il est devenu la risée des maîtres et des élèves, et par suite de la faiblesse excessive de son caractère, il est arrivé que l’institution toute entière a été livrée à la plus déplorable anarchie. L’on ne saurait dire jusqu’à quel point les mœurs sont publiquement outragées dans cet établissement, destiné à l’éducation de la jeunesse. Des femmes demeurant ouvertement avec des instituteurs et au milieu des élèves ; des jeunes filles allant et venant dans les classes, et confondues sans cesse avec des jeunes gens ; des dortoirs sans aucune surveillance ; et toutes les habitudes vicieuses s’enracinant dans de jeunes cœurs, qui ne devraient s’ouvrir qu’aux leçons de la morale et de la sagesse.
Certes, personne n’est plus coupable d’un tel scandale, que le directeur de l’établissement où il se passe, et si vous vous croyez obligé, Monsieur le Ministre, comme je le suppose, d’approuver le renvoi des élèves désignés à votre sévérité par le Conseil d’administration, en même temps que vous frapperez la révolte dans ses chefs, vous punirez son véritable auteur, dans le directeur incapable qui aurait dû la prévenir.
Je pense donc que M. l’abbé Borel doit être sur le champ destitué. Provisoirement, M. Thurot, ou tel autre membre du Conseil d’administration que vous désirerez choisir, remplira les fonctions de Directeur, et veillera au rétablissement de l’ordre, jusqu’à ce que le Conseil d’administration, usant du droit qui lui appartient, vous ait présenté la liste des candidats qui purront être appelés à le remplacer.
J’espère bien qu’on ne dire pas, qu’en destituant M l’abbé Borel, on semble approuver l’insurrection et céder aux révoltés ; on n’approuve pas l’insurrection puisqu’on la punit ; on ne cède pas aux révoltés, puisqu’on leur refuse nettement ce qu’ils demandent, la réintégration de M. Bébian ; on fait justice à chacun, et c’est la seule manière de bien administrer.
D’une autre part, MM. les administrateurs me semblent fondés en raison, lorsqu’ils demandent l’éloignement décisif de M. Bébian. Personne n’est plus capable que cet instituteur d’enseigner aux Sourds-Muets la vraie science qui leur est nécessaire ; ses ouvrages sont excellents ; mais la violence excessive de son caractère, les souvenirs d’immoralité qu’il a laissés dans l’institution, les dettes nombreuses dont il est accablé et qui, récemment encore, l’ont fait enfermer à Ste Pélagie, enfin l’acte de colère auquel il s’est porté autrefois envers M. Paulmier et qui l’a fait renvoyer des Sourds-Muets, tout cela s’oppose invinciblement à la réintégration de M. Bébian. Que le Gouvernement l’encourage dans ses travaux ; que ses ouvrages soient répandus avec soin parmi les Sourds-Muets, que son intelligence soit récompensée par telle indemnité qu’on jugera convenable, rien de mieux, rien de plus juste ; mais que les portes de l’institution ne s’ouvrent jamais devant un homme qui ne peut apporter que le trouble, et dont le nom seul fera déserter la maison par tous les autres instituteurs.
Enfin, vous jugerez, Monsieur le Ministre, si vous devez accorder au Conseil d’administration tous les pouvoirs qu’il réclame ; vous penserez du moins qu’il sera nécessaire d’inviter fortement l’administration à ne point user d’une sévérité excessive envers les élèves, et à se conformer, sur le champ, dans tous les cas, à toutes les décisions qui pourraient émaner de votre autorité.
Je vous prie, Monsieur le Ministre, de vouloir bien me faire connaître votre décision.
Je suis avec respect, Monsieur le Ministre, votre très humble serviteur.
Le chef de division, Royer-Collard.
(Archives du musée d’Histoire et Culture des Sourds)
Interrogatoire de Berthier à Saint-Jacques
Berthier : « Un de mes collègues dont le nom seul excite mon profond, et juste mépris […] a encore déprécié, il y a peu de jours les professeurs sourds muets. Il dit que les sourds muets ne pourront jamais apprendre aussi bien qu'un enfant parlant de quatre ans.
Ils nous réitèrent sans cesse leurs regrets, et nos efforts tendent toujours à les diminuer, en leur représentant les avantages qu'ils ont reçus de la nature, & qui compensent trop bien une infirmité dont on cherche à leur faire le plus grand malheur, & le plus grand obstacle au développement naturel des facultés.
Mes collègues parlants ont cherché par des interrogations insidieuses à arracher des élèves ou même à leur insinuer des réponses qui eussent pu servir de prétextes d'accusation contre moi.
Ruses, menaces, mauvais traitements, tout a été mis en usage, mais sans succès, et cette odieuse tentative n'a fait que mieux mettre au jour et leur haine et mon innocence. »
Un représentant de l’administration : « Votre conduite, votre démarche publique nous persuade que vous êtes partie dans cette agitation [...] nous prouve vos sentiments particuliers.
[...] Nous connaissons votre influence sur les élèves et nous connaissons aussi vos inclinations et vos désirs. Vous me les avez souvent témoignés.
[...] agitation que dans votre esprit peu nous importent ; mais celle de la maison ; nous vous en accusons. »
Berthier : « Je vous assure que je n’ai jamais pris la moindre part aux complots des élèves. Comment peut-on croire que j’aie [...] des fonctions que j’exerce vis-à-vis des enfants pour les inciter à l’insubordination ? Je vous assure encore une fois que j’ai toujours été étranger à cette prétendue agitation. Au reste je dois insister pour être mis en présence de mes accusateurs. Une si grave accusation doit reposer sur des faits, je demande qu’on me les présente.
Quant à la députation des sourds-muets, je n’en ai pas fait partie comme professeur, mais comme sourd-muet. Elle a été dictée par une juste reconnaissance, et appréciée par l’opinion publique. »
Un représentant de l’administration : « L’opinion publique ignore ce qui se passe ici. Si elle le savait, elle en jugerait autrement.
Vous n’êtes accusé que par votre [...] publique et non par une déposition privée. »
Berthier : « Réitérez à ces messieurs vos exhortations de paix, d'ordre, de parfaite intelligence, tout entiers à leurs vues ambitieuses ils ne les comprendront jamais. Non, il n'y aura jamais d'harmonie, d'union possible entre eux, et nous. Nous aurions rien tant à cœur que de trouver en eux des amis sincères, et de leur prouver en toute occasion que nos intentions sont pures.
L'expérience du passé, et leurs menées souterraines, mais qui n'ont jamais échappé à notre attention ne nous permettent pas d'espérer un seul instant de voir un meilleur état des choses.
La défense de mes collègues parlants n’est qu’un prétexte d’agression que nous avons dû repousser.
Ce sont mes collègues parlants qui ont commencé. C’était à nous de repousser l’attaque. »
Source : thèse d’Yves Bernard (1999), d’après des Archives de l’INJS
Lettre de Berthier, Lenoir et Forestier au ministre de l’Intérieur
Tampon de réception au ministère de l’Intérieur : 18 décembre
Monsieur le Ministre,
C’est avec bien du regret que nous nous voyons forcés de vous distraire un moment de vos hautes occupations. Mais nous espérons que vous apprécierez le motif qui nous fait agir, et que vous reporterez le blâme de cette importunité sur ceux qui nous mettent dans l’obligation d’une légitime défense.
Un mémoire vous a été adressé par nos collègues les professeurs parlants de l’institution des sourds-muets. Plusieurs circonstances, et surtout le refus qu’ils nous avaient fait de nous en donner communication ne nous permettaient pas de douter qu’il ne fût dirigé contre nous. Nous sentions la nécessité de nous mettre en défense. Mais comment parer des coups portés dans l’ombre ? Nous étions dans cette pénible anxiété, quand une attaque déguisée sous le voile d’une réclamation, et signée dans le journal du Patriote du mardi 30 novembre par nos quatre collègues parlants est venue nous révéler leurs intentions hostiles, et le prétexte dont ils espéraient violer cette agression. Il ne nous était pas permis de garder le silence. Notre réponse quoique mutilée a mis au jour la mauvaise foi de l’attaque et rejeté sur ses auteurs la honte de l’accusation qu’ils ont osé porter contre nous. Mais c’est surtout à vos yeux, Monsieur le Ministre, que nous avons à cœur de faire éclater la vérité. La conduite si peu franche de nos collègues et l’expérience du passé nous fait un devoir d’honneur et de prudence de nous tenir en garde contre des hommes en qui nous aurions voulu voir nos meilleurs amis. Mais ce n’est pas la première fois qu’ils nous donnent de justes sujets de plainte.
Il y a deux ans, ces professeurs parlants, entrés dans la maison comme aspirants et instruits à nos leçons, avaient cherché à nous supplanter en nous reléguant au dernier rang dans une institution dont nous avons été pendant un temps les seuls soutiens. Ils étaient parvenus à persuader que nous n’étions bons qu’à être leurs répétiteurs, réclamant pour eux la supériorité et les avantages du titre de professeurs. Une proposition avait été adressée dans ce sens au Ministre de l’Intérieur, mais un heureux hasard nous a fait connaître cette manœuvre et notre énergique protestation a prévenu le passe-droit que l’on voulait colorer d’une apparente compassion pour notre faiblesse et notre infirmité. Il serait trop pénible de vous montrer nos collègues humiliant, ravalant en toute occasion les malheureux sourds-muets dont ils devraient au contraire consoler l’infortune, soutenir le courage, effacer l’abaissement.
L’intérêt particulier avec lequel le Roi a daigné accueillir la députation des sourds-muets a porté la joie et l’espérance dans les cœurs de tous les sourds-muets et de tous leurs vrais amis ; mais la bienveillance de Sa Majesté n’a fait que réveiller la jalousie aveugle de nos collègues parlants et ils ont cherché un prétexte pour porter contre nous une double accusation. Ils nous reprochent des inductions calomnieuses pour leur conduite et leurs opinions, et un manque de convenances. Il nous sera bien facile de nous justifier.
Dans l’adresse que nous avons eu l’honneur de présenter au Roi, nous avons cru devoir appeler les regards de Sa Majesté sur Mr Bébian, notre ancien censeur des études. Cette démarche nous était dictée par une juste reconnaissance et par l’intérêt que nous portons aux progrès de notre enseignement et surtout par le désir de voir les sourds-muets profiter des leçons d’un maître si habile. Ses travaux, ajoutions-nous, n’ont jamais reçu du pouvoir le plus léger encouragement. Il n’est ni abbé ni congréganiste. Voilà, Monsieur le Ministre, la phrase où nos collègues prétendent voir une sorte de dénonciation contre eux, et une accusation de congréganisme. Je vous laisse à juger s’il est possible de trouver dans nos paroles l’ombre d’une pareille insinuation. Quelle est donc cette maladroite susceptibilité irritable comme une plaie vive ? Quelle est cette présomption de croire que nous avons pu songer un instant à les mettre en parallèle avec notre ancien maître ! Qui ne sait que sous le gouvernement déchu la livrée du congréganisme était la plus puissante des recommandations ?
L’indépendance et la franchise de M. Bébian ne lui ont jamais permis de la porter. Quant à la qualification d’abbé, nous sommes loin d’y voir de défavorable, mais nous savons que pour diriger nos institutions c’était une condition indispensable, c’est même le seul titre qui ait fixé le choix de l’administration sur notre Directeur actuel l’abbé Borel. Il n’avait jamais songé à s’occuper de l’enseignement des sourds-muets et il est notoire même qu’on lui a fait auprès du ministre un mérite de son inexpérience absolue. Nous aimons à lui reconnaître toutes les qualités, mais nous déplorons qu’il ne puisse même s’occuper de diriger nos classes où le défaut d’ensemble et d’harmonie rend vains tous nos efforts. Nous ne croyons pas qu’il ait pu trouver rien qui pût le blesser dans notre vœu exprimé en faveur de Mr Bébian, le sentiment qui a dicté notre conduite a été apprécié, et par la bienveillance du Roi et par l’approbation publique. Cependant on ne peut connaître que la moitié des titres qui ont acquis à notre ancien maître l’affection et la reconnaissance des sourds-muets.
On ne connaît de lui dans le public que ses talents qui depuis longtemps l’ont mis hors de ligne, mais nous avons conservé le souvenir de son affection sincère pour les sourds-muets, de son attention constante à relever en eux la dignité d’homme. Quand il vint dans notre institution, les malheureux sourds-muets victimes d’un préjugé qui était appuyé de l’opinion de l’abbé Sicard même étaient traités comme des demi-brutes et exposés sans protection aux mauvais traitements et aux grossièretés des surveillants et même des domestiques. Mr Bébian fit sentir à tous les employés qu’ils étaient là pour les élèves et non les élèves pour eux ; vérité si claire et qu’on est encore aujourd’hui bien disposé à oublier : voilà, Monsieur le Ministre, ce qui lui assure à jamais la reconnaissance éternelle des sourds-muets.
On nous reproche de n’avoir pas consulté nos chefs et nos collègues avant de nous rendre auprès du Roi. « Pour nous, ajoutent ces messieurs, en agissant ainsi, nous aurions craint de manquer à cette loi de convenance qui, dans certaines positions, commande de n’entrer en mouvement qu’après avoir reçu l’impulsion. »
Cette profession de principes, cet aveu public qu’ils n’agissent que par une impulsion supérieure donne à leur dénonciation un caractère de gravité, qui pourrait nous alarmer si nous n’étions forts de notre conscience et de la confiance que nous inspire l’inébranlable fermeté de votre impartialité. Nous avons remercié nos collègues de l’aveu et de la leçon. Sans oublier ce que nous devons de déférence à notre chef, nous les avons priés de garder pour eux le rôle de machines, si cela leur convient, et de vouloir bien nous permettre à nous de recevoir l’impulsion de notre conscience avant tout. C’est, nous le pensons, le devoir de tout homme libre et digne de ce nom. Dans la circonstance dont il est question, nous agissions non pas comme professeurs de l’institution, mais comme sourds-muets, et en commun avec un grand nombre de mes anciens camarades qui exercent diverses professions hors de la maison. Ainsi ces messieurs pas plus que notre nouveau directeur n’avaient titre pour nous accompagner ; nous n’avions aucun droit de leur en faire la proposition.
D'ailleurs vous jugerez, Monsieur le Ministre, si c’était à nous de provoquer une démarche de cette nature auprès de ceux qui sont à la tête d’une institution royale. Nous leur avons laissé assez de temps pour savoir ce que la bienséance au moins leur prescrivait ; et c’est nous qu’on accuse de manquer aux convenances !
Monsieur le Ministre, nous vous demandons grâce pour la franchise avec laquelle nous venons de nous exprimer. C’est vers vous que s’élancent tous les vœux ; c’est de votre bonté et de votre justice que nous attendons avec confiance l’accomplissement des espérances dont les paroles bienveillantes du Roi ont rempli nos cœurs. Quelques considérations particulières ne l’emporteront pas sur l’intérêt de 18000 malheureux, qu’un mot de votre bouche peut arracher à la plus affligeante dégradation. Nous avons la ferme confiance que vous réaliserez les vues généreuses que votre illustre Père avaient conçues en faveur des pauvres sourds-muets. Et il nous sera doux de relire dans l’élan de notre reconnaissance qu’il vous a légué avec ses rares talents administratifs, son active sollicitude pour une classe aussi cruellement disgraciée.
Nous avons l’honneur d’être avec un profond respect, Monsieur le Ministre, vos très humbles et très obéissants serviteurs.
Berthier (professeur), Lenoir (professeur), Forestier (répétiteur aspirant)
(Archives du musée d’Histoire et Culture des Sourds)
Seconde lettre-pétition adressée par les élèves au Ministre de l’intérieur (20 décembre 1830)
Monsieur le Ministre,
Nous vous demandons pardon si nous avons l’honneur de vous écrire pour la seconde fois ; mais c’est un devoir qui nous force de vous adresser notre plainte, nous espérons que vous aurez la bonté de daigner l’écouter.
Vendredi 17 de ce mois, votre sous-ministre Monsieur Baude est venu dans cette maison, nous lui avons promis de faire exactement tout ce qu’il nous a ordonné. Il avait l’air d’accepter avec plaisir notre promesse. Nous avons bien rempli nos devoirs et nous n’avons commis aucune insubordination depuis le jour où il est venu dans notre école. Nos maîtres croyent avec résolution que nous avons fait une pétition au Roi ; nous vous jurons avec franchise et vérité que nous ne l’avons pas faite. C’est un de nos camarades qui l’a dit à un de nos maîtres qui l’a menacé de le renvoyer à son père s’il ne lui apprenait pas le nom de ceux qui l’avait faite. Il lui a répondu par crainte que c’était Bézu, un de nos camarades pensionnaires, qui l’a signée le premier et que plusieurs l’a signée aussi. Ils ne l’ont pas faite, nous vous le jurons. Cependant nous ne fumes pas interrogés, comme Bézu, par l’administration ; nous voyons avec peine qu’elle a cru nos maîtres qui ont cherché tous les moyens de la tromper afin de renvoyer quelques uns d’entre nous, quoique nous ayons bien rempli nos devoirs.
Un de nos maîtres a cherché tous les moyens de tromper plusieurs de nos camarades en disant que d’autres avaient signé la pétition au Roi pour les persuader ou les faire avouer qu’ils l’avaient faite aussi, en les menaçant des les renvoyer s’ils ne lui répondaient pas qu’ils l’avaient signée. C’est à cause de cela que l’administration a décidé de renvoyer deux d’entre nous. L’un nommé Bézu que Monsieur Baude a vu écrire sur la planche en veste brune est innocent et il a été renvoyé hier injustement. Cela nous a fait beaucoup de peine.
L’administration s’est obstinée à croire qu’il avait fait le premier la pétition au Roi. Il a été renvoyé de plus pour l’opinion de Monsieur Bébian. Comme il a une bonne conduite, il est aimé de tous les sourds-muets. Aujourd'hui il est chez son père pharmacien à Bourbons-les-bains.
Nous avons l’honneur de vous dire, Monsieur le ministre, que l’autre de nos camarades pensionnaires Léon Contremoulin sera renvoyé, comme Bézu, sous peu de temps, ils ont tous deux bien rempli leurs devoirs depuis que votre sous-ministre Monsieur Baude est venu dans notre école.
Lequel des deux du vol ou de ce que vous venez de lire mérite le plus de punition ? Comment le vol reste-t-il impuni ? quelques-uns d’entre nous qui ont plusieurs fois volé ne sont pas chassés. On ne renvoye que ceux qui ont l’opinion de Monsieur Bébian plutôt que ceux qui ont commis les vices ! tous les élèves l’ont aussi, ainsi on croyait opiniâtrement que Bézu était le chef de ce projet. Non, Monsieur le Ministre, tous les sourds-muets désirent Monsieur Bébian.
Hier quand l’ami de Bézu est venu pour le mener, l’agent-général a ordonné à cet élève de faire vite son paquet. Celui-ci ne l’a fait qu’avant une demi heure et n’a pas eu le temps de nous faire ses adieux, nous l’avons laissé sortir avec bien du chagrin. Après la visite de Monsieur Baude, nous avons cru qu’aucun de nos camarades ne serait pas renvoyé, au contraire Bézu l’est.
Si nous n’avions pas promis à Monsieur Baude d’obéir à ce qu’il avait ordonné, nous l’aurions retenu, mais nous sommes patients, parce que nous espérons que vous ferez revenir Bézu dans cette maison. Nous avons l’honneur de vous prier de permettre qu’il y revienne.
Depuis que Monsieur Baude est venu, nos surveillants ont appris ce que nous nous sommes plaints contre eux, cependant ils ne nous surveillent pas toujours bien sous leurs yeux dans nos rangs, dans la classe d’étude, dans le réfectoire.
Vous jugerez bien, Monsieur le Ministre, que nous leur avons de l’obéissance.
Nous espérons en votre justice.
Nous avons l’honneur d’être avec un profond respect, vos très humbles et très fidèles serviteurs.
Paris, 20 décembre 1830, les élèves de l’institution royale des sourds-muets.
(Archives du Musée d’Histoire et culture des Sourds)
Fin des Notes