Portrait de Jules Imbert : Journal des sourds-mets, 28 octobre 1896.
Signature de Jules Imbert : pétition du 20 décembre 1830,
conservée au musée d’histoire et culture des Sourds.
♦ 1815
Le 15 février 1815, naissance de Jules Imbert à Clermont-Ferrand. Son père est un notable, juge de paix.
♦ 1821-1830
Jules devient sourd en 1821, à l’âge de six ans.
En 1822, il est envoyé à l’Institution de Paris. Il s’y montre brillant élève. Suite à un concours littéraire où il est classé premier, il reçoit du roi Charles X une médaille d’argent.
♦ 1830
Le 1er novembre, âgé de quinze ans, il fait partie du groupe de sourds-muets mené par Ferdinand Berthier auprès du roi Louis-Philippe pour demander qu’Auguste Bébian prenne la direction de l’Institution de Paris.
Pendant la révolte du mois de décembre, les élèves adressent au ministre de l’Intérieur un brûlot décrivant les carences de l’Institution, réclamant l’éviction du directeur, l’abbé Borel, et le retour de Bébian évincé en 1821. Dans une seconde pétition faite huit jours plus tard, Jules Imbert est le second à apposer sa signature après celle d’Eugène Allibert, ce qui, aux yeux de l’administration, les désigne tous deux comme meneurs. Avec deux autres camarades, Bézu et Contremoulin, Jules Imbert est exclu. Avant les événements, il s’était déjà fait remarquer par son caractère libre et provocant : lorsque le professeur entendant Valade entrait en classe, Imbert faisait rire ses camarades en l’imitant en se frottant les mains et en fronçant les sourcils…
♦ 1830-1848
De retour à Clermont-Ferrand, Jules Imbert est engagé comme employé aux écritures dans une banque, place qu’il quitte bientôt pour entrer comme professeur à l’Institution de Lyon dirigée par Claudius Forestier. Mais les convictions républicaines et anticléricales de Jules Imbert s’accordent mal avec l’ambiance religieuse de l’école, qui le conduit à démissionner.
Il apprend la composition typographique, fait le voyage à pied jusqu’à Paris et y trouve un bon emploi de compositeur-typographe. Après quelques années, il reprendra jusqu’à la fin de sa vie son métier d’employé dans une banque.
Jules Imbert est un militant très actif, qui devient un personnage incontournable de l’Histoire des Sourds au XIXe siècle. Il participe pleinement aux activités de la Société centrale de Ferdinand Berthier. Il est élu commissaire des banquets en 1842 et 1847. En 1847, il appelle à l’union de tous les sourds-muets : peut-être commence-t-il à entrevoir avec inquiétude la division qui se prépare.
Banquet des sourds-muets. 1887 : toast à l’abbé de l’Epée.
Œuvre d’Auguste Colas, sourd-muet.
♦ 1849
En 1849, le Dr Blanchet, médecin à Saint-Jacques, fonde une nouvelle association, la Société générale d’assistance des sourds-muets, rivale de la Société centrale des sourds-muets de Berthier. Jules Imbert en aurait partagé la création avec Blanchet. Ferdinand Berthier est invité à l’inauguration de cette nouvelle association, le 10 décembre 1849 ; il en sort offusqué parce qu’il considère que c’est un plagiat de sa propre association.
Pourtant, un an plus tard, Jules Imbert est encore commissaire du dix-septième Banquet de Berthier, le 24 novembre 1850. Hésitation ? Regret provisoire ? Tentative pour éviter une rupture contraire à ses vœux de 1847 ? Ce sera aux historiens de trancher.
Il y a maintenant deux Banquets annuels rivaux, le plus ancien sous la direction de Ferdinand Berthier, fervent catholique, qui honore le souvenir de l’abbé de l’Epée chaque mois de novembre ou décembre. Et le plus récent qui, influencé par l’esprit républicain et anticlérical de Jules Imbert, se réunit chaque mois de juillet pour célébrer les lois de 1791, pendant la Révolution française.
Le décret du 21 juillet et la loi du 29 juillet avaient attribué l’ancien couvent des célestins à l’instruction des sourds-muets et des aveugles. Selon Yann Cantin, historien sourd, l’opposition entre cléricaux et anticléricaux sera l’une des premières causes des conflits entre associations dans les années 1880. Cette division perdurera pendant une grande partie du XXe siècle.
♦ vers 1863
Jules Imbert reçoit de l’Impératrice Eugénie, épouse de Napoléon III, une médaille en or. Il est proposé pour la Légion d’honneur, projet qui demeurera sans suite.
♦ 1867
Le décès du Dr Blanchet met fin aux activités de la Société générale d’assistance des sourds-muets auxquels Jules Imbert participait activement.
♦ 1879
Le 14 mai 1879, est installée dans la Cour d’honneur de Saint-Jacques une sculpture monumentale de l’abbé de l’Épée. A cette occasion, l’Institution publie une longue liste des sourds-muets « instruits conformément aux principes de la méthode d’enseignement en usage à l’institution nationale de Paris, et dont le nom est connu dans l’instruction primaire, les lettres, les beaux-arts ou l’industrie ». Jules Imbert en est absent bien qu’y figurent d’autres professeurs de l’école de Lyon. Dans sa Vie de l’abbé de l’Epée, Ferdinand Berthier l’avait pourtant inscrit dans sa propre liste des « écrivains distingués », à côté de Lenoir, Allibert, Richardin, Chambellan… Jules Imbert a été exclu de la liste de 1879, comme il avait été exclu de Saint-Jacques en 1830.
♦ 1882
Jules Imbert rallie une nouvelle association, l’Appui fraternel des sourds-muets, fondée par Joseph Cochefer qui le place à la tête de son Conseil d’administration.
Quelques années avant 1885, il est très atteint par le décès de son épouse Caroline Christophe, sourde-muette, avec qui il avait eu trois filles sourdes.
♦ 1883
Au mois de juillet, des femmes sont pour la première fois accueillies dans un banquet, celui de l’Appui fraternel des sourds-muets, présidé par Jules Imbert. Elles sont au nombre de vingt-huit. Berthier n’en avait jamais accepté dans ses propres banquets : il craignait que leur présence conduise les banquets à se transformer en bal…
♦ 1885
Décès de Jules Imbert à Paris dans le 18ème arrondissement. A ses funérailles, un vibrant hommage en langue des signes est prononcé par Joseph Cochefer au nom de l’Appui fraternel des sourds-muets.
♦ 1928
Henri Giraud, entendant, fils de l’une des filles de Jules Imbert, témoigne en 1928, dans la Gazette des sourds-muets, de tout ce qu’il devait
à sa famille et à la langue des signes. Lorsqu’il était enfant, un banquet présidé par son grand-père Jules Imbert lui avait paru « une chose merveilleuse » et
lui avait laissé « un souvenir ineffaçable ».
Sources principales :
Journal des Sourds-Muets, 28 octobre 1896.
Banquets des sourds-muets réunis pour fêter les anniversaires de la naissance de l’abbé de l’Epée. 1834-1863.
Yann Cantin, Les Sourds-muets de la belle époque, 2014, thèse de doctorat, EHESS, 2014.
Yves Bernard, Approche de la gestualité à l’institution des sourds-muets de Paris, au XVIIIe et au XIXe siècle, thèse de doctorat, université de Paris V, 1999.
Archives du musée d’histoire et culture des Sourds.
Texte : Yves Delaporte.