qui etait armand pelletier ?



D i v e r s     p o r t r a i t s     d ' A r m a n d     P e l l e t i e r


Brève biographie d'Armand Pelletier


 

♦ 1933

15 mai : naissance d’Armand Pelletier à Moncet, petit village à huit kilomètres à l’ouest de Bourg-en-Bresse (Ain). Ses parents tiennent une ferme. Il est le dixième enfant d’une famille qui comptera douze garçons et une fille décédée en bas âge. Trois des enfants sont sourds-muets.

 

La communication entre Armand et sa famille entendante se réduit à quelques gestes élémentaires. Il y avait déjà eu une sourde-muette dans la généalogie d’Armand, son arrière-grande-tante Véronique, née dans les années 1870 et décédée dans les années 1920. Elle n’était jamais allée à l’école et restait à la ferme pour aider aux travaux quotidiens.

 

♦ 1939

Armand commence sa scolarité à l’école de la Croix-Rousse à Lyon, créée en 1910 pour garçons sourds et tenue par une congrégation religieuse, les Frères de saint Jean-Baptiste de la Salle. Il y reste pendant six ans. 

 

♦ 1947

Fermeture de l’école de la Croix-rousse.

Privé d’école, Armand reste pendant un an à la ferme de ses parents, participant à tous les travaux agricoles. 

 

♦ 1948

Armand entre à l’Institution nationale des sourds-muets et sourdes-muettes de Chambéry. Le quartier des garçons est situé à Cognin. Il reçoit de ses camarades l’étrange nom signé « bras coupé ». En effet, lors de son inscription, le numéro 52 lui avait été attribué. Or ce numéro était celui d’un ancien élève ayant porté le même numéro et qui, suite à un accident, avait dû être amputé d’un bras. Au fil des ans, ce nom-signé sera légèrement modifié (paume vers le bas au lieu de paume vers le haut) par les sourds en « portez armes » à cause de la proximité entre « Armand » et « armée ».

 


Le nom signé d’Armand.

A gauche : « bras coupé »  –  A droite : influencé, collectivement et inconsciemment, par « portez armes ».

 

Armand apprendra la menuiserie et passera le CAP. Il découvre la course à pied, à commencer par le cross-country.

Il remporte ses premières compétitions.

 

♦ 1951

Armand remporte le championnat de France de cross sourd, catégorie junior et catégorie senior.

 

♦ 1953

Armand part travailler à Voiron chez un fabricant de skis puis entre dans une entreprise de menuiserie à Chambéry.

Il est membre de l’association des anciens élèves de l’Institution nationale des sourds-muets et sourdes-muettes de Chambéry.

 

La même année, il est cinquième aux Jeux sourds de Bruxelles avec  35’09", meilleure performance française de l’année sur le 10 000 m.

 

Armand commence son bénévolat dans le mouvement sportif sourd en devenant conseiller, puis président de l’Olympique Silencieux de Chambéry (OSC). 

 

♦ 1955

Armand participe aux Deuxièmes Championnats d’Europe de cross sourd à Pavie en Italie et remporte la victoire. Dans le monde sourd, on commence à le surnommer « le Zatopek sourd », du nom du célèbre coureur tchèque, triple champion olympique du 5 000 mètres, du 10 000 mètres et du marathon aux Jeux d’Helsinki, en 1952 : tout comme lui, Armand avait une course très heurtée et grimaçait pour extérioriser sa souffrance.

 

Emil Zatopek, surnommé « la locomotive » (1922-2000).

 

La même année, sur 1500 m, Armand réalise la troisième meilleure performance mondiale des sourds en 4’12".

 

♦ 1956

16 juin : Armand épouse Yvette Maitre, ancienne élève du quartier des filles de l’Institution des sourds-muets et sourdes-muettes de Chambéry, situé au village de Pont-de-Beauvoisin. Ils auront quatre enfants, tous sourds.  

 

Yvette est originaire de Montvalezan, village de Tarentaise, près du col du Petit Saint-Bernard (Savoie). La Rosière de Montvalezan est aujourd’hui une station bien connue de sports d’hiver, notamment de ski.

 

Armand et Yvette viennent habiter à Aix-les-bains. Les performances sportives d’Armand ont été repérées par le club d’athlétisme (entendants). Armand s’entraîne avec Robert Bogey, recordman de France du 10 000m. Avec les trois meilleurs coureurs d’Aix, il remportera le relais du 4x1500m et figure donc sur les tablettes des records de France d’athlétisme chez les entendants.

 

Armand réalise la cinquième meilleure performance mondiale de l’année chez les sourds sur 5 000 m en 16’14".

 

Armand, skieur débutant à La Rosière de Monvalezan.

 

Armand, deuxième au semi-marathon

des Jeux de Milan en 1957.  


♦ 1957

Naissance de Pierre, premier enfant d’Armand et Yvette. 

Armand remporte la médaille d’argent au semi-marathon des Jeux mondiaux de Milan. 

 

♦ 1958

Naissance de Brigitte, fille d’Yvette et Armand.

 

Armand est fondateur, trésorier puis président de l’Amicale des Sourds des deux Savoie jusqu’en 1965. Cette Amicale est implantée à Aix-les-Bains.  

 

♦ 1959

Naissance de Caroline, fille d’Yvette et Armand.

 

♦ 1960

Naissance de Mireille, fille d’Yvette et Armand.

 

♦ 1961

Armand et Yvette s’installent à Chambéry.

  

♦ 1963

A Aix-les-Bains, Armand organise le congrès du Comité national de coordination des sociétés silencieuses de France et d’outre-mer qui donnera naissance à la Fédération Nationale des Associations de Sourds de France. 

 

♦ 1965

Armand fonde la Maison savoyarde des sourds (1965-1980). Il en est le trésorier puis le vice-président et enfin le directeur.

Il est aussi conseiller puis vice-président de la Ligue sportive régionale des sourds. 

 

Il devient commissaire Fédéral de Ski des Sourds de la Fédération Sportive des Sourds de France (FSSF).

 

Il est commissaire général de l'organisation du Neuvième championnat d'Europe de cross-country des Sourds à Cognin (Savoie).

 

♦ 1966

Premier championnat de France à la Rosière Montvalezan. Onze sourds y ont participé aux côtés d’entendants.

 

Armand, commissaire Fédéral

de Ski des Sourds de la FSSF.

 


♦ 1967

Armand devient directeur technique de ski de la Fédération Sportive des Sourds de France (1967-1980). 

 

Il organise deux compétitions : le challenge « Armand Pelletier » à la Rosière et le deuxième championnat Fédéral à Méribel, le premier championnat réservé aux sourds.

 

Les Sixièmes Jeux Mondiaux d’hiver se tiennent à Berchtesgaden en Allemagne. La FSSF a accepté qu’Armand Pelletier assume la responsabilité de sélectionner les skieurs qui allaient former la future équipe de France.

 

Le challenge « Armand Pelletier » est remplacé par un challenge international pour mieux faire connaître les skieurs étrangers et pour que les Français puissent se mesurer à eux.

 

♦ 1970

Fondateur et président du SCSF (Ski Club des Sourds de France), avec 66 adhérents..

 

♦ 1971

Septièmes Jeux mondiaux d’hiver à Adelboden (Suisse). 

Armand organise le Challenge international de ski des sourds à Meribel (16-17 janvier).

 

♦ 1973

Président du Comité de la fédération alpine des sourds. Président du Comité d’organisation du Championnat d’Europe de ski alpin des sourds (Les Arcs - Savoie). 

 

Février : Championnats de France à Peisey-Nancroix (Savoie) : les trois filles d’Armand remportent les trois premières places du slalom spécial et du slalom géant, et les deux premières places de la descente. Les sourds commencent à les surnommer « les Goitschel sourdes ».

 

Mars : le SCSF organise le Quatrième championnat international des pays alpins (FASS) aux Arcs. L’équipe française récolte 12 médailles sur 24.

 

♦ 1975

La famille d’Armand participe aux Jeux mondiaux d’hiver à Lake Placid (Etats-Unis).

Brigitte reçoit la médaille d’argent en slalom et en géant, Mireille celle de bronze en géant. Les filles Pelletier sont alors à l’Olympique silencieux de Chambéry.

 

♦ 1976

Armand est élu président de la FASS (« malgré moi et à titre provisoire » dira-t-il). 

 

♦ 1977

Premiers championnats d’Europe de ski alpin à Grainau (Allemagne). Sont sélectionnés quatre skieurs (dont Pierre Pelletier) et trois skieuses (Brigitte, Caroline, Mireille). Les skieurs français remportent dix médailles (cinq d’or, quatre d’argent, une de bronze) dont huit médailles d’or ou d’argent pour les trois filles Pelletier.

Victoire de Mireille ; « décidément le clan Pelletier est insatiable car on relèvera également au relais 2,5km x 4, première l’équipe de Cognin avec Caroline et Mireille Pelletier, puis, deuxième, l’équipe de Chambéry avec... le père Armand Pelletier » (Voix du sourd  n°37, avril 1977). 

 

Aux 5 km dames, Mireille est première, Caroline troisième, Brigitte quatrième.

Armand organise le Championnat fédéral de ski de fond pour les sourds  à La Féclaz.

 

♦ 1978

Avril : inauguration du local du Ski club des sourds de France à Cognin.

 

♦ 1979

Armand est directeur du Comité d’organisation des Neuvièmes Jeux mondiaux d’hiver des sourds à Méribel-les-Allues (Savoie). A cette occasion, il se montre très fier de voir que la France se classe deuxième des pays présents avec sept médailles (deux médailles d'or, quatre médailles d'argent et une médaille de bronze). Parmi les gagnants on trouve deux filles Pelletier : Brigitte et Mireille. 

 

♦ 1980

Mars : dixième anniversaire du SCSF qui compte cette année  233 licenciés dont 156 en ski alpin et 39 en ski nordique.

Armand intègre le Comité directeur de la FSSF. 

 

♦ 1981

Armand et Yvette emménagent à Bruailles, près de Louhans (Saône-et-Loire). Armand devient artisan menuisier-ébéniste. 

 Il abandonne toute activité sportive et démissionne de toutes ses responsabilités. Il est nommé président d’honneur du SCSF. Sa fille Brigitte prend la direction du SCSF en octobre. 

 

Armand, artisan menuisier ébéniste dans son atelier

 

♦ 1984

Dissolution du SCSF. 

 

♦ 1986

Novembre : Armand reçoit la médaille de chevalier des Palmes académiques, des mains du vice-président de la Fédération française de ski.

 

♦ 1993

Armand prend sa retraite.

Il apprend que Louhans est la ville natale de Ferdinand Berthier. C’est pour Armand une révélation et il commence à entreprendre des recherches sur la vie du « Napoléon des sourds-muets ». Il va désormais s’investir entièrement dans les aspects historiques et culturels du monde sourd.

 

♦ 1995

Président-fondateur de l’association Culture et Langue des Signes Ferdinand Berthier (CLSFB) à Louhans qui va enseigner la langue des signes dans plusieurs localités. 

 

♦ 1996

Armand organise la première commémoration en hommage à Ferdinand Berthier, qui rassemble à Louhans des sourds de toute la France. 

 

♦ 1999

Armand organise à Louhans le Congrès national de la FNSF.

Pendant ce congrès et en présence du général Jehan Pinart, Armand annonce le projet de création d’un musée d’histoire et de culture des Sourds.

 

Mai 1999 : déclaration du projet de musée sourd à Louhans. A gauche, Jehan Pinart.

 

♦ 2001

Armand a maintenant treize petits-enfants, dont sept sourds. En famille, tout le monde signe, les entendants comme les sourds. Armand constate que grâce à la langue des signes, il n’y a aucun problème de communication, alors qu’il avait grandi sans guère pouvoir communiquer avec ses parents.

 

Pendant plusieurs mois, Armand raconte en langue des signes l’histoire de sa vie à l’ethnologue Yves Delaporte qui la traduit en français. Yves donne à ce texte la qualité littéraire indispensable pour espérer être publié par un grand éditeur.

 

♦ 2002

Les espoirs d’Armand et Yves sont couronnés de succès quand le livre est accepté dans la prestigieuse collection Terre Humaine des éditions Plon, dirigée par Jean Malaurie qui avait publié auparavant des auteurs célèbres comme l’anthropologue Claude Lévi-Strauss. Le livre sort en 2002. La couverture de l’ouvrage bénéficie d’une belle composition photographique de Mitko Androv, sourd.

 


Les deux éditions (2002 et 2006) du livre d’Armand et Yves.

 

Armand est invité par Jacques Chirac à l’Elysée pour fêter le cinquantième anniversaire de la collection Terre Humaine.

 

L’émission L’œil et la main invite Armand et Yves pour qu’ils montrent comment un ethnologue entendant a travaillé avec un Sourd pour recueillir ses souvenirs. Cette vidéo peut être vue aujourd’hui sur Facebook. 

 

♦ 2006

Lorsque le livre Moi, Armand, sourd et muet est épuisé, il est réédité en collection poche.

 

♦ 2009

Début des travaux au futur musée d’Histoire et de Culture des Sourds à Louhans. 

 

♦ 2013

Inauguration du musée. 

 

♦ 2014

Remise du Prix « Servir » à Armand par le Rotary-Club à Louhans. 

 

♦ 2016

Les démarches en faveur de la Légion d’honneur pour Amand sont interrompues par son décès, le 24 juin.

Armand est inhumé dans le cimetière de Louhans.

Echo Magazine lui rend hommage dans son numéro d’octobre.

 

 ♦ 2019

Trois ans après le décès d’Armand, la médaille du Mérite lui est symboliquement remise lors de l’Assemblée générale de la Fédération Nationale des Sourds de France. 

 

Distinctions : 

Champion de Savoie (FFA) de cross-country 

Champion des Alpes FFA de cross-country (entendants) 

Champion de Savoie de 1500m et 3000m, 

Champion de France des Sourds de cross-country 

Champion de France des Sourds du 400m, 1500m; 50000m, 10000m.

Deux sélections en équipe de France aux Jeux Mondiaux d'été des Sourds 

Champion d'Europe des Sourds de cross-country

Sélectionné dans l'équipe de la Ligue des Alpes FFA (entendants) en athlétisme (3000m) 

Sélectionné dans l'équipe de France des Sourds en athlétisme international 

 

Médailles pour activités sportives : 

1969 : Médaille d'honneur de la Jeunesse et des Sports 

1974 : Médaille d'argent de la Jeunesse et des Sports

1979 : Médaille du Mérite sportif de la Fédération Française de Ski

1984 : Chevalier dans l'ordre des Palmes Académiques 

 

Diplômes : 

1968 : Diplôme du meilleur dirigeant par la Fédération Sportive des Sourds de France 

1977  : Diplôme d'honneur par la Ligue Rhône-Alpes-Bourgogne-Auvergne (RABA)

1978  : Diplôme « Pour ses services rendus à la cause du sport des Sourds » par la FSSF

2001 : Diplôme d'honneur décerné par la fédération Départementale des clubs Aînés Ruraux de l'Ain

 

Texte : Yves Delaporte.