Qui etait ferdinand berthier ?


Portrait de Ferdinand Berthier

Ancienne propriété de la famille Berthier à Sagy



Brève biographie de Ferdinand Berthier

 

♦ 1803  

Naissance de Ferdinand Berthier à Louhans, capitale de la Bresse centrale, le 30 septembre. Selon certaines sources, il serait devenu sourd à l’âge de deux ou quatre ans à la suite d’une congestion cérébrale. Berthier se disait lui-même « sourd-muet de naissance ». 

En 1804, Napoléon est sacré empereur. Promulgation du Code civil des Français (plus tard Code Napoléon) qui sera le livre de chevet de Berthier, et auquel il consacrera d’importants travaux. 

 

♦ 1811  

Berthier est admis comme élève pensionnaire à l’Institution impériale des sourd-muets de Paris (rue Saint-Jacques), dirigée depuis 1794  par l’abbé Sicard (1742-1822). 

 ♦ 1813  

Berthier a comme professeur Auguste Bébian (1789-1839), le premier enseignant entendant à utiliser en classe une langue des signes authentique, loin des signes méthodiques de l’abbé de l’Épée et des extravagances de l’abbé Sicard. Berthier commence à s’intéresser au dessin et devient un des meilleurs élèves. 

 

♦ 1814  

Début du règne de Louis XVIII. 

 

♦ 1817  

Incendie à l’Institution. Berthier est sauvé des flammes par le garçon de service. Bébian publie son Essai sur les sourds-muets et le langage naturel, ou Introduction à une classification naturelle des idées avec leurs signes propres. 

 

♦ 1818-1820 

Le duc d’Angoulême visite l’Institution. Il s’entretient par écrit avec Berthier, et le félicite de ses réponses. Plus tard, Berthier est présenté à la duchesse de Berry dans les mêmes circonstances et lui adresse des compliments au nom de ses camarades; le même soir il est invité à la table de l’abbé Sicard. C’est probablement cette visite qui sera l’occasion d’un vif incident entre l’administration et Bébian, celui-ci ayant refusé de présenter des élèves à la duchesse, arguant qu’ils étaient trop pauvrement vêtus par l’Institution. Un mois plus tard l’abbé Sicard présente à Louis XVIII ses deux meilleurs élèves, dont Berthier qui offre au roi un portrait de Henri IV qu’il a dessiné au crayon. Sa scolarité achevée, Berthier part habiter avec son frère rue Dauphine, chez leur oncle. Ses talents de dessinateur lui valent d’être placé chez un graveur mais il ne s’y plait guère : il se sent une vocation d’enseignant. Avec l’appui de son maître et ami Bébian, il est nommé en 1820 répétiteur provisoire à l’Institution royale

 

♦ 1821  

Après une altercation violente avec un autre professeur, Bébian est contraint de démissionner. 

 

♦ 1822  

Âgé de dix-neuf ans, Berthier prononce un discours en langue des signes sur la tombe de l’abbé Sicard, au cimetière du Père Lachaise. L’abbé Gondelin devient directeur. 

 

♦ 1823  

L’abbé Périer remplace l’abbé Gondelin à la tête de l’Institution. 

 

♦ 1824  

Mort de Louis XVIII, début du règne de Charles X. 

Berthier est nommé répétiteur en titre. Probablement la même année, le duc de Berry visite l’Institution et s’entretient avec Berthier. Charmé par son talent, le duc lui promet une pension de 300F que, malgré de multiples courriers adressés au duc en 1825 et 1826, Berthier ne recevra jamais. 

 

♦ 1825  

Bébian publie sa mimographie ou essai d’écriture mimique propre à régulariser le langage des sourds-muets. Cet ouvrage, qui anticipe sur les découvertes linguistiques modernes et fait l’admiration de Berthier, restera ignoré : Bébian était trop en avance sur son temps. 

 

♦ 1827  

Première des quatre circulaires de l’Institution de Paris qui constituent le début de l’offensive oraliste. 

 

♦ 1828  

Décès de la mère de Berthier. L’abbé Borel est nommé directeur de l’Institution. Après la disparition de la revue de Bébian, Journal de l’instruction des sourds-muets et des aveugles (1826-1827), Berthier forme le projet de créer une nouvelle revue, en collaboration avec ses collègues Forestier et Lenoir (sourds) et Valade-Gabel (entendant). Le décès prématuré du bailleur de fonds met fin à ce projet. 

 

♦ 1829  

Berthier est nommé professeur titulaire. deuxième circulaire. 

 

♦ 1830  

A la suite d’atteintes à la liberté de la presse, l’insurrection de juillet met fin au règne de Charles X et ouvre la voie à la monarchie bourgeoise de Louis-Philippe. 

Berthier prend la tête d’une délégation pour réclamer au nouveau roi le retour de Bébian. Le soutien accordé par le roi restera sans suites en raison de la mauvaise volonté du Conseil d’administration de l’Institution. Mutinerie des élèves à Saint-Jacques contre une première tentative d’éducation oraliste. Berthier conseille aux élèves de s’adresser au ministre de l’Intérieur pour faire révoquer le directeur. Huit mutins seront exclus. 

Cette date peut être considérée comme le début du mouvement sourd, 158 ans avant les événements du Gallaudet College, où les mêmes causes produiront les mêmes effets – à ceci près qu’en France en 1830, les sourds n’obtinrent pas gain de cause. 

 

♦ 1832 

Le nouveau directeur de l’Institution de Paris est un médecin, Désiré Ordinaire. Troisième circulaire : les attaques contre la langue des signes se précisent. Berthier, Lenoir et Forestier sont rétrogradés. Berthier organise le mouvement de résistance. c’est vraisemblablement vers la même époque qu’il donne des cours de mimique aux plus célèbres actrices entendantes de Paris

 

♦ 1834 

Bébian soutient ses amis sourds en publiant un pamphlet Examen critique de la nouvelle organisation de l’enseignement dans l’Institution royale. Berthier organise le premier des célèbres banquets des sourds-muets. La même année, il est admis à la Société des Études Historiques. 

 

♦ 1836  

A Saint-Jacques, les enseignants sourds sont réintégrés dans leur fonction et leur salaire. Parution du premier ouvrage de Berthier : Histoire et statistique de l’éducation des sourds-muets. En janvier, création du Comité de défense des sourds-muets, composé de dix membres sous la présidence de Berthier, qui se réunit mensuellement et aboutira deux ans plus tard à la création de la Société Centrale des Sourds-muets. 

 

♦ 1837  

Premiers articles de Berthier dans Le sourd-muet et l’aveugle, L’ami des sourds-muets et dans la presse nationale. A partir de maintenant, Berthier ne cessera d’adresser des mémoires au Parlement, visant à supprimer les injustices de la législation civile et pénale concernant les sourds. Il commence à songer à la rédaction d’un code civil à l’usage des sourds-muets, qu’il publiera trente ans plus tard, en 1868. 

 

♦ 1838  

Le 27 mai, fondation par Berthier de la Société Centrale des Sourds-muets de Paris, première association de l’histoire des sourds. Il en restera président jusqu’à sa mort. Le but de l’association est de regrouper l’élite sourde dont les cotisations devaient servir en partie à financer des publications et à secourir les sourds indigents. Berthier entreprend des recherches sur le lieu de sépulture de l’abbé de l’Épée. 

 

♦ 1839  

Berthier publie un ouvrage consacré à Bébian, qui vient de mourir dans la pauvreté. Pour Berthier, faire l’apologie de Bébian, c’est en même temps faire celle de la langue des signes, dans le contexte toujours incertain de l’Institution. Dans une correspondance avec le ministre de l’Intérieur, Berthier fait part de son projet de publier de petits livres élémentaires à l’usage des élèves sourds-muets. 

 

♦ 1840  

De Lanneau devient directeur. Au début, Berthier entretient d’excellents rapports avec celui qui remplace son ennemi Désiré Ordinaire, mais le désappointement surviendra vite. Il publie Les sourds-muets, avant et depuis l’abbé de l’Épée, ouvrage qui sera couronné par la Société des Sciences Morales, Lettres et Arts de Seine-et-Oise. 

 

♦ 1841  

Inauguration du tombeau de l’abbé de l’Épée à l’église Saint-Roch, à l’initiative de Berthier qui y avait retrouvé les restes du « sublime instituteur des sourds-muets », profanés en 1793. Berthier est maintenant le doyen des professeurs de l’Institution de Paris. 

 

♦ 1843  

A l'âge de 40 ans, Berthier demande en vain le poste de Censeur des études. Il est nommé président à vie des Banquets des sourds-muets. 

 

♦ 1844  

Décès du père de Berthier. 

 

♦ 1846   

Il adresse une pétition à la Chambre des Pairs pour introduire la pratique de l’interprétariat dans les procédures civiles et pénales. Décès du frère de Berthier, médecin à Paris, qui participait aux activités de la Société Centrale. 

 

♦ 1847  

Berthier demande en vain les postes d’inspecteur des études, ou à défaut de sous-directeur ou de bibliothécaire archiviste. Des membres de la Société Centrale élaborent un projet de pétition adressée au roi pour accorder la Légion d’honneur à Berthier. 

 

♦ 1848  

Insurrection de février qui met fin au règne de Louis-Philippe. Instauration de la Deuxième République, qui décide l’élection d’une Assemblé constituante au suffrage universel. 

La Société Centrale se rallie au gouvernement provisoire dont font partie deux hommes bien connus des sourds-muets, Ledru-Rollin et Marras. Berthier met à profit les événements pour organiser une pétition demandant la destitution du directeur De Lanneau, « incapable, nul, égoïste, arrogant, ennemi juré des élèves » et son remplacement par Eugène Monglave, « le seul ami parlant que les sourds-muets aient au monde » Monglave était assidu aux banquets de la Société Centrale, où il faisait office d’interprète auprès des invités entendants. Berthier fait acte de candidature symbolique aux élections de l’Assemblée Constituante, pour y « défendre les droits des 22 000 sourds-muets français ». 

En décembre 1848, Louis-Napoléon Bonaparte est élu président de la République. 

 

♦ 1849  

A l’issue d’une distribution solennelle des prix à l’Institution, Berthier est décoré de la Légion d’Honneur par Louis-Napoléon Bonaparte. Il est admis au sein de la Société des gens de lettres. Ses parrains sont Monglave, qui écrit dans son rapport que Berthier est « l’un des hommes les plus instruits et les plus littéraires qu’il connaisse » et Achille Jubinal, qui écrit que tous ses travaux « sont une gloire pour l’humanité ». 

 

♦ 1850 

La Société Centrale connaît des difficultés financières. La caisse de secours ne suffit plus pour répondre aux demandes des sourds-muets dans le besoin. Cette tâche est reprise par la Société Centrale d’Éducation et d’Assistance pour les Sourds-muets de France, fondée par des entendants et à laquelle participent Berthier et Lenoir. 

 

♦ 1852  

Début du Second Empire : Louis-Napoléon devient Napoléon III. 

Berthier publie un livre sur l’abbé de l’Épée, et un autre où il réfute les élucubrations injurieuses du Dr Itard (médecin-chef à l’Institution de Paris) sur les facultés intellectuelles des sourds-muets. 

 

♦ 1861  

Berthier demande, toujours en vain, le poste de bibliothécaire archiviste. Dans une lettre à De Col, directeur de l’Institution, il fait part de l’écriture de son autobiographie : les Mémoires d’un sourd-muet. Cet ouvrage ne verra jamais le jour. 

 

♦ 1865  

Après 45 ans d’enseignement à Saint-Jacques, Berthier fait valoir ses droits à la retraite à partir du 1er janvier. Il voyage à Rome, où il est reçu par le Pape

 

♦ 1867  

La Société Universelle des Sourds-muets succède à la Société Centrale de 1838, toujours sous la direction de Berthier. Libérée des tâches de secours qui sont assumées par la Société centrale d’éducation et d’assistance fondée en 1850, la Société universelle peut se consacrer à répandre l’esprit d’émulation chez les sourds-muets et à la diffusion de leurs travaux. 

 

 

 

 

 

 

♦ 1868  

Parution de l’œuvre majeure de Berthier : Le code Napoléon mis à la portée des Sourds-muets


 

 

♦ 1870-1871 

Guerre avec l’Allemagne. Instauration de la Troisième République. Commune de Paris. 

La Société Centrale d’Éducation et d’Assistance aux Sourds-muets de France, héritière de la Société fondée par Berthier en 1838, est reconnue d’utilité publique en 1870

 

♦ 1873 

Parution de l’ouvrage consacré à l’abbé Sicard. 

 

♦ 1875  

A 72 ans, Berthier rédige son testament. Il habite maintenant place Gozlin à Paris.

 

♦ 1880 

Congrès international de Milan (6-12 septembre). Le congrès, « considérant l’incontestable supériorité de la parole sur les signes pour rendre le sourd-muet à la société et lui donner une plus parfaite connaissance de la langue, déclare que la méthode orale doit être préférée à celle de la mimique pour l’éducation et l’instruction des sourds-muets ». Sur les 67 congressistes français, il n’y a qu’un seul sourd : Claudius Forestier, directeur de l’Institution de Lyon et vieil ami de Berthier. 

C’est la fin d’une époque. Berthier avait 77 ans.  

 

♦ 1886 

Les dernières années de la vie de Berthier sont assombries par les dramatiques conséquences du congrès de 1880. Il est devenu presque aveugle. Il meurt à l'âge de 83 ans, le 12 juillet 1886 à Paris à son domicile du boulevard Saint-Germain et est inhumé à Sagy en Saône et Loire. 

Texte : Yves Delaporte.


Comment Berthier était-il nommé en langue des signes ?

 

Texte de la vidéo ci-dessus 

 

On sait que deux noms signés sont aujourd’hui utilisés pour nommer Ferdinand Berthier. D’une part « Le chauve », nom retenu par l’association Ferdinand Berthier de Bordeaux, et qui en tout état de cause n’aurait pu désigner qu’un Berthier âgé. D’autre part « Celui qui a reçu la légion d’honneur », néologisme créé par l’association CLSFB de Louhans. Or, nous avons retrouvé la description du signe que tous les sourds utilisaient pour dénommer leur guide lorsqu’il était dans la force de l’âge.

La Gazette des tribunaux du 10 avril 1840 publie un long compte-rendu d’audience. Des sourds appartenant à la Société centrale en ayant été exclus à cause de leur comportement, ils ont attendu les membres du bureau à l’une de leurs réunions mensuelles pour les insulter. Au moment où Berthier et Pélissier sortaient, ce dernier a été frappé par l’un d’eux. Le jour où l’affaire passe en jugement, la salle est remplie de sourds. Quand Berthier arrive à son tour, le journaliste écrit :

« L’arrivée du célèbre Berthier, professeur des sourds-muets et sourd-muet lui-même de naissance, excite une vive sensation dans la foule. Des saluts empressés lui sont envoyés de toutes parts, et chaque assistant traçant rapidement de la main droite un cercle autour de son oreille annonce ainsi à son voisin qu’il a reconnu Berthier. C’est en effet par ce signe que tous les sourds-muets indiquent Berthier à cause de la petite casquette qu’il porte à l’école et qu’il a l’habitude de pencher un peu sur l’oreille droite. »

(Source : L’Ami des sourds-muets, avril 1840)


 

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